vendredi 12 décembre 2014

Un droit clair serait-il, en soi, suffisant pour obtenir une injonction provisoire? Une décision récente indique que oui, mais je suis en désaccord

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

J'attire ce matin votre attention sur une décision avec laquelle je ne suis définitivement pas d'accord en matière d'injonction provisoire. En effet, dans l'affaire Consultants TAG inc. c. Mine Jeffrey inc. (2014 QCCS 5816), l'Honorable juge Yves Tardif indique que la partie requérante en injonction provisoire qui démontre un droit clair n'aura pas à démontrer de préjudice irréparable ou d'urgence pour avoir droit à son ordonnance. Je ne crois pas que ce soit là un bon énoncé du droit en a matière.
 


Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l'émission d'une injonction provisoire ordonnant à la Défenderesse d’honorer ses obligations en vertu de l’entente signée par les parties et, d’une façon plus particulière, de continuer à fournir de façon continue l’électricité pour une puissance maximale d’un mégawatt.
 
Introduisant le test juridique applicable, le juge Tardif indique que la démonstration par la Demanderesse d'un droit clair lui donnerait droit à l'émission de l'ordonnance recherchée et ce n'est que si son droit est douteux que la Cour devra analyser les autres critères:
[2]           En matière d’injonction interlocutoire provisoire, la Cour d’appel a expliqué comment la Cour doit procéder. Elle doit d’abord décider si le droit est clair, douteux ou inexistant. Si le droit est clair ou inexistant, l’analyse de la Cour s’arrête là. S’il est inexistant, la requête sera rejetée. S’il est clair, la requête sera accueillie. Toutefois, dans le cas de l’existence d’un droit douteux, la Cour doit poursuivre son analyse. Il s’agit alors de déterminer s’il y a urgence, s’il existe un préjudice sérieux ou irréparable et en faveur de qui joue la prépondérance des inconvénients.
Commentaire:

Avec égards, je crois que cet énoncé est incorrect. S'il est vrai que la démonstration d'un droit clair dispense la partie demanderesse d'établir que la balance des inconvénients la favorise, la démonstration d'un préjudice irréparable et de l'urgence est toujours nécessaire.


D'ailleurs, cela ne serait clairement pas souhaitable. En effet, il ne faut pas oublier que les demandes d'injonction provisoire ou d'ordonnance de sauvegarde sont jugées sur un dossier incomplet. Ce qui peut paraître à prime abords comme un droit clair ne l'est pas nécessairement lorsque toute la preuve sera entendue. L'émission d'une ordonnance exécutoire avant qu'une partie ai pleinement la chance d'être entendue est exceptionnelle en droit québécois et c'est pourquoi l'on exige la démonstration d'un préjudice irréparable et de l'urgence pour justifier l'exercice d'un tel pouvoir.

Référence : [2014] ABD 495

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