lundi 29 décembre 2014

Un délai injustifié de trois mois pour intenter un recours en nullité est déraisonnable

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

À travers les années, nous avons souligné à quelques reprises l'importance d'instituer les recours qui font appel au pouvoir de surveillance et contrôle de la Cour supérieure dans un délai de 30 jours ou faire la preuve de circonstances exceptionnelles justifiant un délai plus long. Nous revenons sur la question aujourd'hui en traitant de l'affaire 9191-3004 Québec inc. c. Repentigny (Ville de) (2014 QCCS 6147) où l'Honorable juge Clément Trudel a jugé un délai de trois mois déraisonnable.
 


Dans cette affaire, la Demanderesse recherche une déclaration de nullité à l'encontre de deux comptes de taxes envoyés par la Défenderesse en application de la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières.
 
La Défenderesse conteste ce recours en faisant d'abord valoir la tardiveté du recours de la Demanderesse. En effet, elle fait savoir que celui-ci n'a pas été intenté dans un délai raisonnable et que la Demanderesse n'allègue aucunes circonstances exceptionnelles justifiant un délai de plus de 30 jours.

Après analyse, le juge Trudel donne raison à la Défenderesse sur la question du délai raisonnable. Il note que la jurisprudence impose généralement un délai de 30 jours, à moins que des circonstances exceptionnelles ne soient démontrées, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce:
[25]        La jurisprudence reconnaît généralement comme raisonnable un délai de 30 jours, bien que sur preuve de circonstances exceptionnelles le justifiant, ce délai puisse être prorogé. 
[26]        Dans l’arrêt Loyer c. Commission des affaires sociales, la Cour d’appel enseigne que ces circonstances exceptionnelles justifiant un délai plus long doivent apparaître dans les procédures et il appartient au requérant d’en faire la preuve : 
« En ce qui concerne le premier moyen concernant le délai requis pour présenter une requête en révision judiciaire, soulignons d'abord qu'il est maintenant clairement établi qu'à moins de circonstances exceptionnelles, un délai de 30 jours doit être considéré raisonnable (Duchesne c. Commission des affaires sociales, 1990 CanLII 3830 (QC CS), [1990] R.J.Q. 2292 (C.S.)). Lorsque le délai est plus long, il appartient à l'appelant de démontrer qu'il existe des circonstances exceptionnelles le justifiant (Syndicat des employés de commerce de Rivière-du- Loup (Section Emilio Boucher, C.S.N.) c. Turcotte, [1984] C.A. 316 , 318). Cette justification doit apparaître dans les procédures (Base de plein air le Petit Bonheur c. Commission municipale de Québec, C.A. Mtl, no 500-09-001567-833, p. 7, J.E. 85-769 ). Or, en l'espèce, aucune justification n'a été alléguée dans la requête en évocation et aucun affidavit supplémentaire n'a été présenté en Cour supérieure. » 
[27]        Dans Goldman c. Comité des requêtes du Barreau du Québec, la Cour supérieure rappelle la règle en ces termes : 
« [72] Malgré cela, le requérant a quand même laissé passer 45 jours avant de se pourvoir en révision.  Aucun motif n'est offert par le requérant justifiant ce trop long délai.  
[…]  
[75] La révision judiciaire est un processus procédural extraordinaire qui n'est pas ouvert en toutes circonstances et en dépit des balises procédurales mises en place par le système judiciaire canadien.   Lorsque les tribunaux supérieurs ont jugé que le délai approprié pour instituer un tel recours ne devait pas excéder 30 jours, sauf en des cas exceptionnels et sur justification, ils ont élevé ce délai en un délai équivalent à un délai de rigueur emportant déchéance du droit à la révision judiciaire s'il n'est pas respecté ou justifié. » 
[28]        Dans Grandmaison c. Commission des lésions professionnelles, la Cour supérieure écrit : 
« [15] En plus, ici, la requête n'invoque pas les raisons justifiant le délai de 43 jours. Or, les motifs du délai supérieur à 30 jours doivent être précisément allégués par écrit et appuyés par affidavit. Encore là, ce principe n'est pas remis en question. 
(références omises) » 
[29]        Reste à situer le point de départ du délai de 30 jours. La date d’envoi du compte, le 28 novembre 2012, ne peut être retenue en l’absence de reprise du droit de propriété. Doit plutôt être retenue celle du 11 juin 2013 où 9191 devient propriétaire. 
[30]        Dans cette optique, le recours institué le 11 septembre 2013, soit trois mois après le contrat du 11 juin 2013, excède le délai de 30 jours. Qui plus est, 9191 n’offre aucun motif pouvant justifier ce trop long délai ni dans la requête originale ni dans la requête amendée. 
[31]        Dans les circonstances, le Tribunal juge que le défaut de 9191 de respecter le délai de 30 jours et de justifier pourquoi le Tribunal devrait y passer outre, a emporté déchéance de son action directe en nullité. 
[32]        En conséquence, ce motif de tardiveté à lui seul suffit à rejeter l’action.
Référence : [2014] ABD 518

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