mercredi 10 décembre 2014

Il n’est pas nécessaire qu’une disposition contractuelle spécifique impose un devoir de renseignement pour que les cocontractants y soient tenus

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous avons déjà discuté du fait que le devoir d'information en matière contractuelle découle du devoir de bonne foi qui s'impose à toutes les parties contractuelles. Ainsi, nul besoin de constater l'inclusion d'une disposition contractuelle spécifique pour conclure à l'existence de cette obligation comme le souligne la Cour supérieure dans Garadex inc. c. Unique (L'), assurances générales Inc./Unique (L)', General Insurance (2014 QCCS 5787).



Le débat en l'instance se soulève dans le cadre d'une demande d'amendement qui est contestée. Pour trancher celle-ci, l'Honorable juge Thomas M. Davis devait se poser la question de savoir si une caution peut avoir un devoir d'information envers un créancier lorsqu’elle possède des informations sur la solvabilité du débiteur pour qui elle se porte caution.
 
C'est dans ce contexte que le juge Davis souligne que l'absence de clause contractuelle imposant un devoir d'information n'empêche pas l'existence d'un tel devoir. En effet, la bonne foi contractuelle peut donner naissance à un devoir d'information dans certaines circonstances:
[14] Si la caution peut avoir une obligation de renseignement envers le créancier, cette obligation découle du devoir de respecter les exigences de la bonne foi. Or, cette obligation fait partie de tout contrat. L’amendement, s’il était permis, n’introduirait donc pas, contrairement à ce que soutient la défenderesse, un recours délictuel dans un recours contractuel.  
[15] Les professeurs Lluelles et Moore rappellent le principe suivant :  
Il arrive que le législateur prescrive formellement le devoir d’information dans certaines circonstances. […] Mais cela n’empêche pas l’existence de ce devoir dans les cas et à propos des contrats non couverts par la loi à cet égard, pourvu que soient réunies les conditions établies par la Cour suprême. Et même dans les cas où le législateur intervient au niveau de l’obligation de renseignement, le caractère supplétif des articles 6 et 1375 permet d’étendre le devoir d’informer au-delà des bornes prévues par le texte en cause. [référence omise] 
[16] Il n’est donc pas nécessaire qu’une disposition spécifique leur impose un devoir de renseignement pour que les cocontractants y soient tenus. De même, l’adoption d’une règle spécifique qui impose un devoir de renseignement dans un cas particulier n’exclut pas l’application de l’obligation générale de renseignement qui découle des articles 6 et 1375 C.c.Q.  
[17] L’article 2345 C.c.Q. prévoit une obligation de renseignement du créancier envers la caution. Néanmoins, comme le souligne le juge Rochon de la Cour d’appel, l’article 2345 C.c.Q. représente une application spécifique du devoir de renseignement, mais il ne restreint pas pour autant l’obligation générale de renseignement qui découle de l’obligation de bonne foi :  
[L’] article [2345 C.c.Q.] n’a pas pour effet de restreindre l’obligation positive de renseignement. Cet article a un contenu spécifique particulier. Il permet à la caution d’obtenir “sur demande” des renseignements concernant “le contenu et les modalités de l'obligation principale et de l'état de son exécution”.   
[…]  
Si l'on devait restreindre, en matière de cautionnement, la théorie générale de l'obligation de renseigner au seul contenu de l'article 2345 C.c.Q., il faudrait conclure que la théorie globale embrasse l'ensemble des champs contractuels à l'exception du contrat de cautionnement. 
[18] Ainsi que le souligne le juge Laforest dans l’affaire Association de la construction du Québec c. Entreprises Yves M. Caron, l’obligation de renseignement incombe, en principe, à chacun des cocontractants. Cette obligation varie en fonction du contexte et surtout de la qualification des parties. Par exemple, un professionnel ou un fournisseur de biens ou de services est généralement débiteur d’une obligation d’information à l’égard de son client, mais le client peut parfois « se trouve[r] en position de contrôle d’information ». En effet, « le devoir de renseignement peut s’imposer au client, compte tenu de son accès aux éléments factuels que le cocontractant a tout intérêt à connaître ». C’est le cas, par exemple, de l’assuré en matière d’aggravation de risque en assurance de dommages.  
[19] Dans un contexte de proximité entre le débiteur et la caution, ce qui est souvent le cas en matière de cautionnement, la caution peut avoir accès à certaines informations inaccessibles au créancier. Dans ces circonstances, rien ne s’oppose à ce qu’une caution soit tenue de divulguer les informations dont elle a connaissance à son cocontractant, le créancier. En effet, la caution peut se trouver en « position de contrôle de l’information ».
Référence : [2014] ABD 492

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