Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Nous avons discuté mitigation des dommages à quelques reprises la semaine dernière et je reviens sur le sujet en ce matin de la fête du travail. En effet, je suis d'avis que les tribunaux poussent parfois l'obligation de mitiger ses dommages trop loin et c'est le cas selon moi dans la décision rendue récemment par la Cour du Québec dans Nadler c. Rogers Communications inc. (2014 QCCQ 5609).
Dans cette affaire, le Demandeur réclame la somme de 24 900 $ à la Défenderesse pour avoir porté atteinte à sa réputation en produisant un rapport de crédit diffamatoire au bureau de Trans Union du Canada.
Essentiellement, la Défenderesse a produit un rapport indiquant que le Demandeur lui devait toujours une somme de 66,10$ suite à la résiliation d'un contrat de téléphonie mobile, bien que cela s'est avéré inexact. D'ailleurs, au procès, la Défenderesse admet avoir commis une faute dans la gestion de la demande d’annulation du contrat du Demandeur, mais soutient qu’elle n’a pas diffamé celui-ci.
Après analyse de la preuve, l'Honorable juge Magali Lewis en vient à la conclusion que le comportement de la Défenderesse a été fautif et qu'elle doit être tenue responsable des dommages subis par le Demandeur.
La juge Lewis est cependant d'avis que ces dommages sont moindres que ceux réclamés par le Demandeur, entre autres raisons parce que le Demandeur n'a pas selon elle proprement mitiger ses dommages. À cet égard, la juge Lewis indique que le Demandeur aurait pu payer la dette contestée pour la faire disparaître de son dossier de crédit:
[64] La mise à la disposition du bureau de crédit d’informations fausses constitue un comportement fautif.
[65] Ceci étant dit, suite à l’avertissement par Rogers que son dossier serait transmis à une agence de recouvrement et que cela aurait un impact sur son dossier de crédit, pour minimiser ses dommages, M. Nadler aurait dû prendre des mesures pour éviter l’atteinte à sa réputation.
[66] Il aurait pu consulter son dossier de crédit de temps à autre pour vérifier si Rogers avait mis son avertissement à exécution. Il aurait ainsi eu connaissance de la situation plus rapidement et limité le nombre de personnes qui a pris connaissance de la mention qu’il contenait, en plus de pouvoir faire ajouter un commentaire à son dossier de crédit dans le but de limiter la portée de la mention ajoutée par Rogers, comme l’y autorise l’article 40 du Code civil du Québec.
[67] M. Nadler aurait aussi pu payer la facture de Rogers sous protêt et réclamer le remboursement du montant par la suite, ce qui aurait évité toute mention à son dossier de crédit.
[68] M. Nadler devait être proactif dans la gestion de son dossier de crédit, d’autant plus qu’il attache, selon ses dires, beaucoup d’importance au fait d’avoir une excellente réputation dans la communauté et au sein de sa profession. En tant qu’avocat, il ne pouvait raisonnablement pas tenir pour acquis que Rogers ne mettrait pas son avertissement à execution.
Commentaire:[69] L’inaction de M. Nadler a contribué au dommage qu’il allègue avoir subi. Son inaction n’est toutefois pas la source de l’atteinte et n’amoindrit pas le comportement fautif de Rogers.
Avec égards, cela me semble être pousser beaucoup trop loin l'obligation de mitiger ses dommages que de demander à une personne de payer une dette qu'elle ne pense pas due dans le seul but de retirer une mention d'un rapport de crédit. Premièrement parce que cela donnerait un avantage encore plus important aux entreprises qui, de mauvaise foi ou par insouciance, font rapport d'une telle dette en leur donnant un moyen de pression supplémentaire. Deuxièmement parce que mitiger ses dommages ne doit pas, à moins de circonstances exceptionnelles, impliqué une capitulation totale, mais plutôt un effort raisonnable de minimiser le préjudice.
Pour ces raisons, je suis respectueusement en désaccord avec cette portion du jugement.
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