jeudi 11 septembre 2014

La nécessité du témoignage d'un avocat pour justifier sa disqualification

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La disqualification du procureur d'une partie est une solution drastique qui ne sera prononcée par les tribunaux québécois que dans les cas clairs. En effet, priver une partie du libre choix de son avocat est une limitation importante. C'est pourquoi nous avons souligné dans le passé que la disqualification d'un avocat en raison du fait qu'il devra témoigner n'aura lieu que lorsque son témoignage porte sur une question centrale, que ce témoignage est essentiel et qu'il est controversé. Dans la décision récente rendue par la Cour d'appel dans Berenbaum c. Berenbaum Reichson (2014 QCCA 1630), celle-ci réitère la deuxième considération quant à la nécessité que le témoignage du procureur soit essentiel.
 

Dans cette affaire, l’Appelant se pourvoit contre un jugement qui a accueilli la requête des Intimées pour faire déclarer ses procureurs inhabiles à agir dans le litige opposant les parties et qui a rejeté sa requête pour faire annuler le bref de subpoena duces tecum signifié à son avocat.
 
Dans un jugement unanime rendu par les Honorables juges Bouchard, Savard et Vauclair, la Cour accueille l'appel au motif que la Cour supérieure n'était pas compétente pour entendre l'affaire (sans entrer en détail, suite au désistement de la réclamation de l'Appelant, il ne restait qu'une demande monétaire qui tombait sous la compétence de la Cour du Québec).
 
Cependant, la Cour ajoute que la juge de première instance n'aurait pas du accueillir la requête en disqualification de toute façon. En effet, celle-ci étant basée sur le fait que l'avocat de l'Appelant aurait à témoigner, il fallait - souligne la Cour - que ce témoignage soit essentiel pour justifier la disqualification. Or, ce n'est pas le cas en l'espèce:
[21]        Il importe de rappeler que c’est dans son propre recours que l’appelant, une première fois, a annoncé qu’il ferait témoigner Me Pancer. Or, l’appelant s’est désisté de celui-ci le 19 mars 2012. Il en résulte que c’est dans le recours intenté par les intimées, le 12 avril suivant, que ces dernières veulent désormais faire témoigner l’avocat de l’appelant. Cependant, lorsque les parties se présentent devant le tribunal, le 17 mai 2012, pour la tenue d’une audience de gestion, l’appelant n’a pas encore produit sa défense. Il n’entre dans aucun des cas visés aux articles 397 et 398 du Code de procédure civile. Le dossier en étant encore à un stade embryonnaire, Me Pancer ne pouvait donc pas être légalement assigné à la date prévue. La Cour cherche d’ailleurs en vain ce sur quoi il aurait pu être interrogé. 
[22]        La seconde erreur de la juge consiste par ailleurs à avoir écarté le droit de l’appelant à l’avocat de son choix en raison de l’impression défavorable que son témoignage lui a laissée lors de l’audience. C’est là une considération non pertinente. Plus fondamentalement, pour justifier la présence de l’avocat comme témoin et sa disqualification à titre d’avocat, il faut plutôt en venir à la conclusion que son témoignage est nécessaire aux fins du litige. Or, la preuve documentaire versée au dossier par les parties abonde. On peut suivre par menu détail toutes et chacune des étapes ayant mené au recours intenté par l’appelant le 2 juin 2011. Il n’est donc nullement nécessaire pour les intimées de priver l’appelant de l’avocat de son choix pour faire témoigner ce dernier.
Référence : [2014] ABD 364

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