Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Nous discutions récemment du fait qu'il y a ouverture au dépôt d'une expertise dès que l'on démontre que les qualifications de l'expert proposé dans le domaine dépassent celles du juge. Le corollaire nécessaire à ce principe est qu'il n'est pas nécessaire qu'une personne possède un diplôme particulier ou appartienne à un ordre professionnel pour être qualifiée comme expert. C'est ce que rappelait la Cour d'appel dans Landry c. Ste-Foy (Ville de) (Québec) (2010 QCCA 2351).
Dans cette affaire, l’Appelant se pourvoit contre un jugement qui a rejeté ses requêtes en mandamus et en nullité d’un règlement municipal. Il avance une multitude de moyens par lesquels il attaque le jugement, dont le fait que le juge de première instance a eu tort de mettre de côté le témoignage de la personne qu'il présentait à titre d'expert.
En effet, le juge de première instance a refusé de reconnaître à cette personne la qualité d’expert pour trois raisons, i.e. (a) qu'il était ni urbaniste, ni membre d’un ordre professionnel, (b) qu'il n'avait pas de compétence spécialisée en matière de réglementation municipale et (c) son témoignage n’était pas impartial.
Même si la Cour d'appel confirme ultimement la décision de première instance, tant au fond de l'affaire que sur la question de la qualification de l'expert, elle souligne qu'il est erroné de refuser la qualification d'expert à un témoin au motif qu'il ne détient pas de diplôme particulier ou qu'il ne fait pas partie d'un ordre professionnel:
[24] Selon le professeur Royer, les critères pour qu'un tribunal reconnaisse un témoin comme un expert sont les suivants :
Définition – Le témoin expert est celui qui possède une compétence spécialisée dans un secteur donné d'activité et qui a pour rôle d'éclairer le tribunal et de l'aider dans l'appréciation d'une preuve portant sur des questions scientifiques ou techniques. Cette définition atteste l'existence des conditions préalables à la recevabilité de ce témoignage, soit l'utilité de l'expertise, la qualification et l'impartialité du témoin.
Utilité de l'expertise – La première condition préalable à la recevabilité d'une expertise est que celle-ci soit de nature à aider le tribunal à comprendre les faits et à apprécier la preuve. Il faut donc que le litige porte sur des questions scientifiques ou techniques D'une certaine complexité. Lorsque les faits sont simples et que le juge est aussi capable que l'expert de les comprendre et de déduire les conclusions qui en découlent, l'expertise n'est pas admissible. Ainsi, une personne ne peut agir comme témoin expert pour exprimer une opinion sur la suffisance des mesures de protection adoptées par une ville dans le but d'avertir les automobilistes qu'elle fait des travaux sur une route.
[…]
Qualification du témoin expert – La partie qui produit un expert doit préalablement établir sa compétence. Celle-ci est acquise par l'étude ou l'expérience. Le scientifique, l'universitaire et le professionnel sont régulièrement utilisés comme témoins experts. Ce titre peut également être attribué à ceux qui ont des connaissances expérimentales particulières pouvant éclairer le tribunal sur une question technique.
Impartialité – L'expert doit être impartial. Son rôle est d'éclairer le tribunal et non d'être l'avocat d'une partie. Aussi la valeur probante d'un témoignage d'expert est plus faible lorsque celui-ci est rendu par un avocat, un représentant ou un employé d'une partie. […] Par ailleurs, le tribunal a parfois rejeté le témoignage d'un expert qui n'était pas impartial. [notes omises]
Référence : [2014] ABD Expert 28[25] En se fondant sur la doctrine, il y a erreur si le juge de première instance a voulu poser comme exigence que l’expert soit détenteur d'un diplôme ou qu’il fasse partie d’un ordre professionnel. En effet, le titre d’expert peut être reconnu à une personne qui possède des « connaissances expérimentales particulières » si, en raison de celles-ci, elle est en mesure d’éclairer le tribunal sur une question technique.
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