Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Le 13 février 2012, nous attirions votre attention sur le fait que même en présence d'une clause contractuelle en apparence claire, les tribunaux québécois pouvaient intervenir lorsque le libellé de la clause contredisait l'intention commune des parties. S'il reconnaît expressément cette possibilité dans Société immobilière Lyndalex inc. c. 9222-9863 Québec inc. (2014 QCCS 1423), l'Honorable juge Daniel W. Payette indique que cela ne saurait avoir lieu au stade préliminaire d'un dossier puisqu'une preuve complète est requise.
Dans cette affaire, la Défenderesse demande la suspension d'une ordonnance de sauvegarde rendue préalablement dans le dossier. Elle allègue que de nouveaux faits justifient une conclusion différente de celle à laquelle en est venue la Cour sur la demande de sauvegarde.
La Défenderesse soumet que la bonne interprétation de la clause contractuelle en litige devrait amener la clause à accepter ses prétentions.
Or, si le juge Payette indique qu'il est certes possible que la Défenderesse convainque la Cour au fond de l'affaire, ce n'est pas au stade interlocutoire que la Cour peut en venir à une détermination sur la question:
[18] 9222 demande au Tribunal de conclure que le droit de préemption de Lyndalex doit s’exercer sur tous les lots visés à l’offre du tiers à partir des mots « les terrains » que l’on retrouve à la clause de préemption.
[19] Il se peut qu’il s’agisse là de l’interprétation à donner à cette clause, mais il n’est pas possible de le déterminer à ce stade-ci des procédures. Plus particulièrement, vu le contexte des relations contractuelles entre les parties, y incluant 4M qui serait partie prenante du projet dès le début, il n’est pas possible de cerner l’intention des parties sur le sens à donner à cette clause. C’est d’autant plus vrai que 9222 a déjà offert à Lyndalex la possibilité de renoncer à son droit de préemption sur une partie des lots visés par des offres de tiers.
[20] Or, l’article 1425 C.c.Q. stipule que, dans l’interprétation d’un contrat, il faut rechercher l’intention commune des parties plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes utilisés. L’article 1426 C.c.Q. énonce les facteurs qui doivent être pris en compte dans l’interprétation du contrat, soit sa nature, les circonstances dans lesquelles il a été conclu, l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue ainsi que les usages.
[21] Dans l’arrêt Sobeys, la Cour d’appel précise que ces articles consacrent la primauté de l’intention véritable des parties sur la lettre d’un contrat. Elle ajoute que « ce qui est ou paraît clair peut ne pas être exact » et que la véritable intention commune des parties, lorsqu’il est possible d’en faire la preuve, prime sur la volonté déclarée. Dans pareil cas de figure, il est possible de lire l’acte juridique (instrumentum) de façon à ce qu’il soit conforme à l’intention commune des parties (negotium).
[22] Dans Services environnementaux AES, la Cour Suprême rappelle que la conclusion des contrats étant soumise aux principes du consensualisme, « l’accord se trouve dans la volonté commune, malgré l’importance – entre les parties et à l’égard des tiers - de la déclaration, orale ou écrite, de cette volonté ». Ainsi, les règles fondamentales du droit des contrats justifient l’intervention des tribunaux lorsqu’il y a divergence entre la volonté commune et la volonté déclarée. En effet, l’article 1425 C.c.Q. permet au tribunal « non seulement de rechercher qu’elle est l’intention des parties, mais également où elle réside ». En employant diverses techniques d’interprétation, le tribunal peut examiner la signification des mots utilisés dans l’acte afin « de combler des vides dans le texte ou de retrouver dans celui-ci des contenus parfois bien dissimulés ».
[23] Pour rechercher la commune intention des parties, il y a lieu d’entendre celles-ci et de prendre connaissance de l’ensemble de la preuve. À ce stade-ci des procédures, il serait prématuré de se livrer à cet exercice.
Référence : [2014] ABD 150[24] Force est donc de constater qu’au stade où en est ce dossier, le droit de préemption de Lyndalex est clair alors que la limite à ce droit qu’invoque 9222 ne l’est pas.
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