Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Comme avocat plaideur, peut de choses sont aussi difficiles à expliquer à un client que le fardeau qui pèse sur la partie qui veut en appeler d'un jugement final de moins de 50 000$. En effet, il est difficile pour les justiciables de concevoir qu'un jugement final puisse être mal fondé sans que l'on puisse le porter en appel. Reste que l'intérêt de la justice et la proportionnalité commandent un tel résultat. La décision récente rendue dans 9203-5971 Québec inc. c. Sioui (2014 QCCA 314).
Dans cette affaire, la Requérante demande la permission d’en appeler d’un jugement final de la Cour du Québec qui a rejeté sans frais sa réclamation de 5 750 $ en exécution d’une clause pénale contenue à un contrat de réservation et de réception. Ce rejet a eu lieu nonobstant l'absence des Intimés en première instance (ils ne comparaissent pas en appel non plus).
La Requérante plaide que la juge de première instance a erré en droit en refusant d’appliquer la clause pénale prévue au contrat en cas d’annulation unilatérale par le client au motif qu’elle serait contraire à l’article 13 de la Loi sur la protection du consommateur. De l’avis de la Requérante, ce constat serait contraire à la fois aux enseignements de la Cour dans l’arrêt Dubreuil c. D.K. Automobile inc. et à ceux de la doctrine reconnue dans le domaine (la Requérante aurait également pu ajouter comme argument à l'encontre du jugement de première instance que la LPC ne peut être soulevée par la Cour d'office).
Malgré l'argument en apparence solide de la Requérante quant au fondement juridique possiblement douteux du jugement de première instance, l'Honorable juge Clément Gascon est d'avis que la permission d'en appeler n'est pas appropriée en l'instance. À cet égard, il souligne qu'il faut beaucoup plus que la démonstration d'une erreur pour justifier la permission d'en appeler:
[6] Comme le souligne le juge André Rochon dans son ouvrage qui fait autorité en la matière, il est acquis que, aux termes du second alinéa de l’article 26, une erreur de fait ou une erreur de droit du juge de première instance ne suffit pas en soi pour justifier une permission d’appeler. Encore faut-il que le problème qui se soulève soit sérieux ou que l’enjeu juridique soit grave.
[7] De la même manière, la règle de la proportionnalité a une influence considérable sur la fonction d’autorisation du juge dans les cas couverts par l’article 26 al. 2 C.p.c. Ainsi, même en face de prétentions sérieuses, il peut s’avérer contraire aux règles de la proportionnalité et à l’intérêt de la justice de saisir la Cour d’un débat aux intérêts monétaires très limités.
[8] En l’espèce, les enjeux monétaires sont minimes. Ils dépassent à peine 5 000 $. Accorder la permission se justifie difficilement quand les coûts afférents à l’appel risquent vraisemblablement d’excéder la valeur des montants en litige. De la même manière, traiter, comme le souhaite la requérante, d’une question qu’elle qualifie « de principe », alors qu’elle procède essentiellement par défaut, risque de se révéler un exercice peu optimal. La Cour ne pourra bénéficier d’un autre point de vue que celui de la requérante sur le sujet.
[9] Enfin, de l’aveu même de la requérante, la question ne serait pas vraiment nouvelle puisque la Cour l’aurait réglée dans l’arrêt Dubreuil. Ce qu’elle reproche à la juge, c’est de ne pas en avoir suivi les enseignements, alors que la doctrine reconnue les aurait au surplus repris en 2011 dans un extrait que ne cite pas la juge. Cet extrait suivrait du reste, selon la requérante, celui que la juge emprunte d’un jugement auquel elle renvoie pour se justifier.
Référence: [2014] ABD 74[10] Quitte à me répéter, et sans me prononcer sur le sujet ni avaliser comme bien fondé le raisonnement de la juge, cela est insuffisant en soi pour justifier l’octroi de la permission recherchée.
Autre décision citée dans le présent billet:
1. Dubreuil c. D.K. Automobile inc., 1996 CanLII 6488 (C.A.).
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