mardi 18 février 2014

L'allégation de concurrence déloyale suite à la terminaison d'un contrat de distribution est couverte par la clause d'élection de for contenue dans ce contrat

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'inclusion dans un contrat d'une clause d'élection de for dénote la volonté des parties de soumettre leurs litiges nés ou à naître à une juridiction spécifique. Le législateur ayant décidé, hormis les cas d'exception, d'honorer ce choix dans les actions personnelles à caractère patrimonial, il n'est pas surprenant que les tribunaux québécois interprètent de manière large et libérale les clauses d'élection de for. Reste que pour donner effet à une telle clause contractuelle, il faut en venir à la conclusion que le litige entre les parties est contractuel. Dans l'affaire récente de SMC Pneumatiques (Canada) Ltée. c. Ressort Déziel inc. (2014 QCCA 300), la Cour d'appel en vient à la conclusion que l'allégation de concurrence déloyale suite à la terminaison d'un contrat de distribution est un recours contractuel qui tombe sous l'égide de la clause d'élection de for.
 

Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit contre un jugement qui a rejeté l'exception déclinatoire par laquelle elle demandait le rejet des procédures intentées par les Intimées. L'Appelante plaide que c'est à tort que le juge de première instance en est venu à la conclusion que la clause d'élection de for stipulée dans le contrat de distribution entre les parties ne s'appliquait pas au recours des Intimés.
 
Le juge de première instance en est venu à cette conclusion en raison du fait que le recours des Intimés allègue concurrence déloyale suite à la terminaison du contrat de distribution intervenu entre les parties, ce que le juge a qualifié de cause d'action extracontractuelle (et donc non couverte par la clause d'élection de for).
 
Dans un jugement unanime, les Honorables juges Kasirer, Gagnon et Vauclair viennent renverser cette décision. Ils soulignent que l'intention des parties ne laisse pas d'équivoque et que la cause d'action des Intimées n'est pas étrangère au contrat:
[17]        Les termes utilisés par les parties lors de la rédaction de la clause Q de l’entente de renouvellement du 1er décembre 2009 sont sans équivoque. Ils démontrent une intention réelle des signataires de soumettre tout différend à naître à l’autorité des lois et des tribunaux ontariens non seulement quant aux termes de l’entente, mais aussi en lien avec les « transactions and relationships » envisagées par celle-ci. Une telle clause peut certainement exclure la compétence des autorités québécoises. 
[18]        Pour l’essentiel, la requête introductive d’instance allègue que la rupture de l'entente, après une longue période de collaboration et malgré le droit contractuel de résiliation, constitue ce que la jurisprudence qualifie d’« abus de droit contractuel ». À ce titre, les fautes alléguées ne sont pas de nature extracontractuelle et tombent sous le coup de la clause compromissoire. 
[19]        Contrairement à ce que décide le juge de première instance, la Cour est d’avis que les faits allégués aux paragraphes 40 et 41 de la requête introductive d’instance sont tout aussi visés par la clause compromissoire. 
[20]        Il faut rappeler à cet égard que les ententes prévoient l’obligation pour chaque intimée de transmettre à l’appelante, pendant la durée du contrat ainsi qu’après sa résiliation, des renseignements relatifs à leurs clients. Le reproche adressé à l’appelante aux paragraphes 40 et 41 cible l’utilisation malveillante de ces informations cruciales, postérieurement à la résiliation, à une fin autre que celle à laquelle elles devaient servir, abusant ainsi de leur confiance. 
[21]        Bien que le recours a trait à des faits postérieurs à la rupture, il demeure intimement lié aux termes de l'entente et aux rapports envisagés par celle-ci. Le tribunal saisi du litige devra interpréter l’entente et mesurer le rapport juridique qu’elle a établi pour décider s'il y a abus tel qu'allégué au paragraphe 40. Ce volet du recours, même dans son aspect postérieur à la résiliation, n’est pas indépendant de l’entente, notamment de la clause VI-C citée plus haut, ou de la relation juridique que l'entente établit. De ce fait, les allégations d’abus de droit qui constitueraient une « concurrence déloyale » (paragr. 41 de la requête) ne peuvent être qualifiées comme des faits extracontractuels indépendants et sont visées par la clause compromissoire. 
[22]        Par conséquent, la Cour supérieure ne pouvait se saisir du litige.
Référence : [2014] ABD 70

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