mercredi 19 février 2014

L'entrave négligeable à la liberté de religion ne contrevient pas à la Charte

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

La protection accordée par les tribunaux aux droits fondamentaux, dont la liberté de religion, est grande, mais elle n'est pas absolue. Ainsi, l'atteinte négligeable ou insignifiante à un droit ne sera pas sanctionnée par les tribunaux. C'est ce que rappelait la Cour d'appel récemment dans Église de Dieu Mont de Sion c. Montréal (Ville de) (2014 QCCA 295).
 

Dans cette affaire, l'Appelante fait valoir que le règlement de zonage de l'Intimée qui prohibe l'utilisation d'une propriété comme lieu de culte dans certains secteurs est invalide parce qu'il entrave la liberté de religion protégée par la Charte canadienne.

Cette prétention de l'Appelante a été rejetée par le juge de première instance et la Cour d'appel, dans un jugement unanime rendu sous la plume de l'Honorable juge Guy Gagnon, confirme ce rejet. Au chapitre d'intérêt pour les fins du présent billet, le juge Gagnon indique que l'atteinte portée à la liberté de religion par le règlement de zonage est négligeable et, en conséquence, ne doit pas être sanctionnée:
[37]        Je suis d'avis que l’appelante n’a pas démontré que la Ville a porté atteinte à sa liberté de religion. Et si une telle atteinte a été établie, ce que j’estime ne pas être le cas, elle est, selon les circonstances de cette affaire, tout au plus négligeable. Je m'explique. 
[38]        En l’espèce, les croyances religieuses de l’appelante et la sincérité de la foi de ses membres ne font aucun doute. 
[39]        Cela dit, la liberté de religion n’est pas à l’abri de toute forme d’entrave. La jurisprudence reconnaît les limites intrinsèques de ce droit fondamental comme c'est d'ailleurs le cas pour toutes les autres libertés. Ces limites peuvent aussi provenir d’une justification établie en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne. Bref, les libertés fondamentales ne sont pas absolues. 
[40]        Par ailleurs, dans l'arrêt Edwards Books, la Cour suprême, reprenant les propos de la juge Wilson, affirmait que seuls les obstacles non négligeables à une pratique religieuse peuvent être considérés comme une atteinte à celle-ci. 
[41]        Sous la plume du juge Iacobucci, le plus haut tribunal du pays dans l'arrêt Amselem a de même précisé que la conduite contestée devait entraver de manière plus que négligeable ou insignifiante la capacité d'agir en conformité avec ses croyances religieuses. 
[42]        Finalement, la Cour suprême dans l'arrêt Hutterian est venue expliquer que les atteintes « négligeables » sont celles qui ne menacent pas réellement les convictions religieuses. Elle résume ainsi la grille d'analyse applicable aux libertés de religion et de conscience : 
[32]      Il est établi qu’une mesure contrevient à l’al. 2a) de la Charte lorsque : (1) le plaignant entretient une croyance ou se livre à une pratique sincère ayant un lien avec la religion; et que (2) la mesure contestée nuit d’une manière plus que négligeable ou insignifiante à la capacité du plaignant de se conformer à ses croyances religieuses […]. 
[...] 
[54]        Bref, l’appelante n’a pas démontré que la réglementation de zonage de la Ville la privait de jouir d'un endroit permettant le plein exercice de sa liberté de religion. À ce sujet, notre Cour a affirmé que « [l]a liberté de religion n'emporte pas le droit de célébrer le culte ou d'établir une école d'enseignement religieux à l'endroit de son choix »
Référence : [2014] ABD 71

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