dimanche 16 février 2014

Dimanches rétro: règle générale, on ne peut soulever un argument constitutionnel pour la première fois en appel

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 2 mars 2012, nous discutions ensemble de la possibilité de soulever de nouveaux arguments en appel. La règle à cet égard est à l'effet que seuls les arguments pour lesquels la preuve nécessaire de part et d'autre a été faite en première instance peuvent être soulevés pour la première fois en appel. Comme l'indiquait la Cour d'appel dans Restaurants Mcdonald du Canada Ltée c. Sainte-Foy (Ville) (2003 CanLII 47979) cette règle vaut également pour les arguments constitutionnels de sorte que l'on pourra rarement les soulever pour la première fois au stade de l'appel.
 

Dans cette affaire, l'Appelante conteste la validité d'un règlement de l'ancienne Ville de Ste‑Foy dont l'application rendait illégales des enseignes directionnelles installées par elle sur un de ses sites. Un des arguments qu'elle fait valoir a trait à l'invalidité du règlement en raison du fait qu'il brime sa liberté d'expression.
 
Le problème est que l'Appelante n'a pas soulevé cet argument en première instance (devant la Cour municipale), de sorte que la Cour supérieure (siégeant en appel) a refusé de prendre en considération cet argument.
 
La Cour d'appel abonde dans le même sens sur la question. L'Honorable juge François Pelletier indique en effet que permettre ce nouvel argument à ce stade serait inapproprié puisque l'Intimée n'a pas eu la chance de présenter la preuve nécessaire pour contrer cet argument:
[25] L'appelante plaide une atteinte illégitime à la liberté d'expression que lui garantit le paragraphe 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés.  
[26] En première instance, le juge Charest de la Cour municipale a conclu que McDonald avait délibérément choisi de ne pas invoquer les droits lui résultant de la Charte. En appel, devant la Cour supérieure, McDonald s'est vu refuser le droit de soulever l’atteinte à ses droits fondamentaux au motif de tardiveté. 
[27] Devant notre Cour, McDonald soutient qu’en application des principes qui se dégagent de l'arrêt R. c. Keegstra, le juge Tremblay aurait dû lui permettre de plaider la violation de la Charte. En ce qui la concerne, dit-elle, aucune preuve nouvelle n'était requise. Quant à la Ville, l'article 285 du Code de procédure pénale donnait au juge de la Cour supérieure le loisir d’entendre la preuve nouvelle que celle-ci aurait pu juger opportune dans les circonstances. Voilà pourquoi il n'y aurait pas lieu, de l’avis de McDonald, de s'en reporter aux enseignements de la Cour suprême et de notre Cour selon lesquels on ne saurait, en appel, invoquer un argument entièrement nouveau qui aurait nécessité la production d'éléments de preuve au procès. 
[28] McDonald ne me convainc pas que le juge Tremblay s'est mal dirigé en droit en lui refusant le droit d'invoquer le moyen reposant sur la Charte. C'est à juste titre que celui‑ci a tenu compte de l'importance déterminante de la renonciation constatée par le juge de première instance. 
[29] McDonald minimise aussi de façon déraisonnable l'ampleur de la preuve que la Ville aurait pu être appelée à administrer pour faire face aux différentes facettes de ce nouveau volet du litige. À ce chapitre, il suffit de noter que cette question aurait pu obliger la Ville à mettre en perspective les règles très particulières qui s’appliquent aux enseignes directionnelles avec le cadre plus général de son règlement sur l’affichage. Une telle preuve aurait donné au procès une configuration très différente de celle à partir de laquelle le premier juge a tranché, tant et si bien que son introduction, au niveau de l’appel, aurait eu pour conséquence pratique de priver la Ville d’un palier d’audition, celui de la première instance.
Référence : [2014] ABD Rétro 7

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