lundi 2 décembre 2013

Il est abusif d'intenter un recours fondé sur des hypothèses avec l'intention d'aller chercher l'information pertinente dans le cadre de la communication de la preuve

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Le 23 novembre 2012, j'attirais votre attention sur la décision rendue par la Cour d'appel dans l'affaire Hachem. Dans celle-ci, la Cour soulignait qu'il n'est pas approprié d'instituer des procédures judiciaires dans le but d'ensuite chercher, dans le cadre de la divulgation de la preuve, un appui solide pour les prétentions alléguées. C'est pourquoi j'applaudis le jugement récent rendu par l'Honorable juge Clément Samson dans Charles-Auguste Fortier inc. c. 9139-0724 Québec inc. (2013 QCCS 5829).
 

Dans cette affaire, la Demanderesse intente des procédures en dommages contre la Défenderesse en raison de la mauvaise exécution alléguée d'un contrat de forage et de dynamitage. Dans les mêmes procédures, la Demanderesse cherche également à faire déclarer à faire déclarer inopposable une hypothèque mobilière conventionnelle sans dépossession que la Défenderesse a consentie à la Mise en cause au motif qu'elle serait frauduleuse.
 
Alléguant que les procédures de la Demanderesse ne contiennent aucune allégation de fait solide qui pourrait justifier une telle inopposabilité, la Mise en cause demande le rejet préliminaire du recours contre elle.
 
Le juge Samson donne raison à la Mise en cause et rejette par le fait même l'argument de la Demanderesse à l'effet qu'elle obtiendra la preuve pertinente, s'il y a lieu, lors des interrogatoires préalables à venir:
[14] L'hypothèque mobilière sans dépossession est un acte légal encadré par des dispositions du Code civil du Québec
[15] Cette hypothèque n'est qu'une garantie à des obligations qui pourraient naître entre 9095 et 9139, lesquelles sont tout autant présumées de bonne foi.  
[16] Ce qui était allégué ne l'est plus. On ne lit plus que l'hypothèque a été consentie « sans considération valable et suffisante ». On n'écrit plus que l'hypothèque a pour but de mettre les actifs et l'équité de 9139 à l'abri de ses créanciers.  
[17] Il ne suffit pas d'alléguer qu'une hypothèque est faite avec l'intention de frauder que le recours est pour autant bien fondé. CAF n'allègue aucun fait précis.  
[18] De plus, le président de CAF n'a rien de précis à reprocher à 9095. 
[19] En réponse, comme pour repousser la présomption qui pèse contre sa cliente, sa procureure se fonde davantage sur le fait que, suite à des interrogatoires qui découleront de la défense éventuelle de 9095, elle pourrait le démontrer. 
[20] À ce stade, la procédure contre 9095 est prématurée.  
[21] On ne peut fonder un recours sur ce que l'on pourrait peut-être découvrir. Permettre ce type de recours fondé sur une découverte éventuelle de preuve ne constitue pas un solide fondement de litige.
Commentaire:

Voilà selon moi un excellent jugement (sur le droit bien sûr, puisque je ne suis pas familier avec la trame factuelle de l'affaire). Trop souvent nos tribunaux permettent la survie de procédures judiciaires qui n'allèguent rien de concret contre une partie défenderesse (ou mise en cause) et dans lesquelles le représentant de la partie demanderesse n'a aucune connaissance, au seul motif que les interrogatoires préalables à venir permettront peut être de découvrir des faits bénéfiques à la partie demanderesse.
 
La fonction de l'interrogatoire préalable est la divulgation de la preuve et la préparation pour le procès, et non la recherche à l'aveuglette d'une cause d'action. On ne devrait donc pas accepter qu'une partie intente des procédures sur la base d'hypothèses qu'elle espère pouvoir subséquemment démontrer.

Mise à jour:

À mon chagrin, la Cour d'appel a renversé cette décision le 30 mai 2014. J'ai écris un billet sur celle-ci dans lequel j'indique pourquoi je suis en désaccord avec la décision en appel.

Référence : [2013] ABD 480
 

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