Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
La règle générale veut que la partie interrogée au préalable ne puisse être contrainte que de produire la documentation et l'information en sa possession. Or, il s'agit là véritablement d'une règle générale, en ce que les tribunaux de première instance (la Cour supérieure et la Cour du Québec) n'ont aucune hésitation à contraindre des parties interrogées à aller chercher des réponses à des demandes d'engagements auprès de tierces parties lorsqu'ils le jugent appropriés. Puisque les jugements forçant la communication interlocutoire de la preuve sont essentiellement impossibles à porter en appel (puisqu'ils n'ordonnent pas à ce qu'il soit fait quelque chose à laquelle il ne peut être remédié au fond), on peut dire que la discrétion du juge de première instance en la matière est presque sans limite. Ainsi, comme l'illustre l'affaire Layla Jet Ltd. c. Acass Canada Ltd. (2013 QCCS 5450), la partie qui indique que les réponses à certains engagements sont en possession d'une de ses mandataires doit justifier à la Cour son impossibilité à les obtenir.
Dans cette affaire, la Défenderesse demande le rejet du recours intenté contre elle par la Demanderesse, faute pour cette dernière de lui transmettre les réponses à certains engagements souscrits lors de l'interrogatoire préalable de son représentant.
La Demanderesse rétorque que, malgré son engagement initial à le faire, elle ne peut finalement communiquer les documents requis puisqu'ils sont en possession d'un tiers, i.e. son sous-traitant pour l'entretien de son avion.
Force est de constater que l'Honorable juge Carole Therrien n'est pas satisfaite par cette explication. Elle ordonne donc à la Demanderesse de produire les réponses aux engagements souscrits:
[22] En l'espèce, LAYLA JET explique que bien qu'elle possède un avion, le propriétaire de la compagnie n'a aucune expertise en matière de gestion et d'entretien d'un tel appareil. Ainsi, il n'a d'autre choix que de s'en remettre à des sous-traitants qualifiés en la matière, dont ceux qui ont actuellement le contrôle effectif des documents recherchés.
[23] Aucune indication n'a été fournie au Tribunal pour expliquer que le mandataire de LAYLA JET ne donne pas suite à sa demande. Pourtant, les documents recherchés doivent accompagner l'appareil en tout temps. Actuellement, le sous-traitant contrôle l'appareil à la demande de LAYLA JET.
[24] En l'espèce, le tiers est en fait le mandataire de LAYLA JET, voire son dépositaire de l'avion et des documents. LAYLA oppose ainsi le silence de celui à qui elle confie ses responsabilités de « propriétaire de l'appareil »pour justifier son « impossibilité » de transmettre les documents. Cela, sans explication pour permettre au Tribunal d'apprécier la situation en toute transparence.
[...]
[26] Bien que LAYLA JET ait déjà répondu à maints engagements, les documents demandés sont essentiels à la défense d'ACASS et ne peuvent être obtenus autrement. La demande est donc justifiée et légitime.
[27] LAYLA JET offre d'obtenir un affidavit de son propriétaire pour assurer le Tribunal de sa bonne foi. Or, la bonne foi s'apprécie d'abord par les faits et gestes des parties dans la conduite du processus judiciaire. Même en ajoutant à la preuve disponible une telle déclaration, le problème demeure entier : le Tribunal ne s'explique pas pourquoi LEYLA JET tolère que son mandataire ne réponde pas à ses courriels. Pour le moment, elle ne semble pas réellement motivée à obtenir les documents requis.
[28] Le rejet de l'action demeure la sanction ultime en présence d'abus et n'est pas approprié à la présente situation. Le Tribunal ordonne plutôt la transmission des documents d'ici le premier janvier prochain et suspend l'instance dans l'intervalle.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/18mw96q[29] Ainsi, après ce délai ACASS pourra saisir le tribunal d'une nouvelle demande advenant que LEYLA JET soit toujours en défaut.
Référence neutre: [2013] ABD 442
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