lundi 11 novembre 2013

L'abus de procédure, c'est aussi s'acharner à présenter des procédures que l'on sait mal fondées

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

En citant la règle posée dans l'affaire Viel, on dira souvent que l'abus que sanctionnent les tribunaux par le remboursement d'honoraires extrajudiciaires est l'abus dans la procédure et pas le fond. En principe, c'est vrai. Reste que lorsqu'une partie s'acharne à faire valoir un droit qu'elle doit savoir inexistant, elle abuse de la procédure comme l'illustre l'affaire Martin c. Carbonneau (2013 QCCS 5451).


Le Demandeur dans cette affaire possède un immeuble contigu à celui du Défendeur. Lorsqu'il achète sa maison, ce dernier érige une clôture entre les deux terrains. Le Demandeur désire obtenir une ordonnance pour forcer le retrait de cette clôture au motif qu'il a toujours profité de cet espace pour circuler et stationner une voiture.
 
Selon le Demandeur, il est propriétaire superficiaire de l'asphalte et le Défendeur ne peut l'empêcher d'y circuler.
 
Saisie de cette affaire, l'Honorable juge Carole Therrien n'hésite pas à conclure que le droit qu'entend faire valoir le Demandeur est inexistant.  Elle se tourne ensuite vers la question de savoir si les procédures du Demandeur sont abusives. À ce chapitre, elle note que le Demandeur ne pouvait ignorer le caractère mal fondé de son recours, pourtant il s'acharne à aller de l'avant avec son recours. Aux yeux de la juge Therrien, il s'agit là d'un abus:
[66] En l'espèce, la preuve démontre que Martin a intenté un recours non fondé. 
[67] Au moment d'introduire son recours, il allègue essentiellement que lors de la construction les propriétaires de l'époque ont convenu que la ligne séparatrice des deux terrains était située à 15 pieds à l'intérieur de l'endroit indiqué aux titres de propriété. Ainsi, il était propriétaire de la parcelle litigieuse. 
[68] Or, Martin a témoigné qu'à son arrivée Boileau l'avise qu'il est bel et bien propriétaire de la parcelle et qu'il est disposé à maintenir l'entente qu'il avait avec Laliberté. 
[69] Laliberté qui témoigne à la demande de Martin. Il ne relate aucune entente quant au positionnement de la ligne séparatrice. Ainsi, Martin sait depuis le début que ses allégations quant à la ligne séparatrice n'ont aucun fondement.   
[70] De plus, il explique qu'il comprend en 2002, que les représentations de Laliberté quant à la sixième place de stationnement sont inexactes. Il consulte un avocat et décide de ne pas intenter de recours son vendeur. Il compte sur le fait que Boileau continu d'habiter son immeuble et de tolérer la situation.   
[71] Il sait donc, quand Carbonneau achète, qu'il ne pourra faire valoir de droit réel, pourtant, il intente son recours.   
[72] Il est alors conscient du fait qu'il n'a aucun droit à faire valoir, il se sert de la justice comme s'il possédait véritablement un tel droit. 
[73] Il maintient ensuite cette procédure, basée sur une prémisse factuelle qu'il sait inexacte, jusqu'à la dernière minute. Même après son propre témoignage, qui ne supporte pas les allégations de sa requête, alors qu'il fait face au rejet imminent de sa procédure, il modifie sa position et invoque un droit complètement nouveau. 
[74] Ce faisant, il poursuit inutilement et abusivement un débat judiciaire. 
[75] L'ensemble des circonstances démontre que Martin a utilisé la procédure judiciaire, qu'il sait vouée à l'échec, pour amener son voisin à démolir sa clôture. Il lui dit même qu'il devra dépenser sa pension en frais d'avocats.Ce comportement est téméraire et insouciant des conséquences engendrées pour les autres parties impliquées.   
[76] Martin a ainsi abusé de son droit d'ester en justice. Il commet ainsi une faute civile entraînant sa responsabilité pour les dommages qui en découlent.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/HJgveT

Référence neutre: [2013] ABD 450
 

3 commentaires:

  1. Qu'advient-il d'une procédure dans laquelle, une requête est déposée pour remise de procès, stipulant qu'un témoin est essentiel pour faire la présentation de la preuve, alors que ce témoin n'est pas présent au procès reporté ?

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  2. Ça dépend bien sûr de la raison pour laquelle le témoin n'est pas là lors de la nouvelle date de procès. Je peux certes imaginer des situations où la Cour pourrait conclurer qu'il ne s'agissait que d'un strategème pour obtenir une remise et où la Cour condamnerait cette partie pour abus.

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  3. En fait, ce témoin était l'enquêteur et son enquête ne tenait pas la route. La preuve a été changé, suite au deuxième plaidoyer de non culpabilité de l'accusé, pour tenter de faire corroborer, par les témoins, une autre déclaration non-corroborée du dossier, alors que l'auteur de cette déclaration s'est lui-même contredit en interrogatoire. La poursuivante a été remplacée lors du procès en voir-dire, là où la partie défenderesse a convoqué l'enquêteur qui n'a pas été en mesure de justifier son rapport ! Merci Monsieur Renno.

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