mercredi 31 juillet 2013

Les circonstances dans lesquelles la responsabilité d'un administrateur peut être retenue

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Comme vous le savez, je suis sur une croisade pour assainir la jurisprudence en matière de responsabilité des administrateurs et m'assurer que plus personne ne la confond avec la levée du voile corporatif (voir par exemple mon billet du 11 mai 2012). C'est pourquoi il est bon de voir des jugements comme celui rendu récemment par l'Honorable juge Jean-François Michaud dans 9252-8249 Québec inc. c. Hampstead Court inc. (2013 QCCS 3572).


Dans cette affaire, un des Défendeurs, actionnaire et administrateur de la Défenderesse, demande le rejet préliminaire du recours institué contre lui au motif d'absence de lien de droit. Il allègue en effet qu'il ne peut être tenu responsable des vices cachés qui affectent prétendument l'immeuble vendu par la Défenderesse à la Demanderesse.

L'Honorable juge Michaud en vient à la conclusion que le recours contre le Défendeur est manifestement mal fondé. À ce titre, il souligne que la question de la levée du voile corporatif n'a aucune pertinence puisque le Défendeur est poursuivi à titre d'administrateur et non d'actionnaire. Il ajoute également que le recours intenté ne s'inscrit pas dans les quatre scénarios où la responsabilité d'un administrateur peut être retenue:
[7]          L’article 317  du C.c.Q. prévoit que l’on ne peut soulever le voile corporatif que dans les cas de fraude, d’abus de droit ou de contravention à une règle d’ordre public. Ce n’est pas ce qui est allégué et M. Gazin n’est pas, de toute façon, poursuivi à titre d’actionnaire. Il l’est à titre d’administrateur. 
[8]          Citant Me Paul Martel, la Cour d’appel énonce, dans l’arrêt Les Constructions Serafini inc. c. Gold Coin Development Corp. Limited, les quatre situations juridiques par lesquelles un administrateur peut encourir une responsabilité.  
[9]          La première situation : 
Lorsque l’administrateur contracte une obligation contractuelle, par exemple, en cautionnant personnellement les obligations de la compagnie. 
[10]       Ce n’est pas le cas ici.  
[11]       La deuxième situation : 
En cas de mauvaise foi et d’intention malicieuse l’administrateur peut engager sa responsabilité en cas de faute contractuelle de la compagnie. 
[12]       Les allégations de la requête introductive d’instance ne permettent pas de conclure en ce sens. De plus, les extraits de l’interrogatoire du représentant de la demanderesse, notamment aux pages 75 et suivantes et 95 et suivantes, ne font pas état d’une mauvaise foi ou d’une intention malicieuse. Le Tribunal constate plutôt que la demanderesse se plaint que M. Gazin a refusé de lui communiquer des informations avant de procéder avec la transaction. 
[13]       La troisième situation : 
Il a participé à une faute extra-contractuelle de la compagnie. 
[14]       Ce n’est pas le cas ici non plus. Il s’agit d’une action dont la base est contractuelle.  
[15]       La quatrième situation : 
Il peut encourir une responsabilité extra-contractuelle à l’endroit d’un tiers, ce second type de responsabilité relève des principes généraux de la responsabilité extra-contractuelle. 
[16]       Il n’y a aucune allégation de faute caractérisée contre M. Gazin. Ce dernier agissait dans le cadre de ses fonctions comme représentant de la défenderesse et non en marge de celles-ci. On veut attribuer à M. Gazin la responsabilité des omissions et réticences de la défenderesse. Cela n’est pas suffisant pour conclure à un lien extra-contractuelle entre M. Gazin et la demanderesse.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/17SEIXC

Référence neutre: [2013] ABD 303

Autre décision citée dans le présent billet:

1 commentaire:

  1. Excellent article, à lire aussi Lanoue c. Labatt 1999 QCCA 13784 sur le même sujet.

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