Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.
Le 14 août 2012, nous attirions votre attention sur une décision de la Cour du Québec qui soulignait que le devoir d'information d'une partie ne relevait pas l'autre partie de ses devoirs de prudence et diligence. Morale de l'histoire, on ne peut se fier uniquement sur le devoir d'information de la partie adverse et ne pas s'informer nous-même. La Cour d'appel réitère ce principe dans sa décision récente de Ferme des My c. Fermes des Berges inc. (2013 QCCA 578).
Dans cette affaire, les Appelants se pourvoient contre un jugement qui les a condamnés à payer la somme de 323 386,95$ à l'Intimée.
Deux des moyens d'appel des Appelants sont basés sur le devoir d'information. En effet, ils font reproche au juge de première instance (a) d'avoir rejeté leur prétention à l'effet que l'Intimée n'avait pas satisfait à son devoir d'information et (b) d'en être venu à la conclusion qu'ils avaient fait preuve d'un manque de diligence en ne s'informant pas adéquatement à propos du monde des chevaux.
La Cour d'appel rejette ces moyens. Ce faisant, elle souligne que le devoir d'information d'une partie n'élimine pas l'obligation de l'autre d'agir de manière prudente et diligente, i.e. de s'informer elle-même. En l'espèce, il existait beaucoup d'information publique sur les chevaux canadiens et rien n'expliquait le défaut des Appelants de s'être informé:
[25] D'autre part, le marché des chevaux canadiens était bien connu et les informations à ce sujet étaient disponibles. Les appelants n'ont fait aucune démarche pour se renseigner eux-mêmes et ont choisi de se limiter aux informations que Laberge leur donnait.
[...]
[27] Cela, cependant, ne justifie pas que les appelants se soient contentés d'informations presque embryonnaires relativement à l'élevage des chevaux canadiens au Québec. Leur expérience et leur connaissance des chevaux en général, de même que leur expérience plus particulière dans l'élevage des bovins, devaient nécessairement les inviter à la prudence et à la diligence.
[28] La Cour suprême rappelle, en effet, les éléments principaux de l'obligation de renseignement:
– la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement;
– la nature déterminante de l'information en question;
– l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.
[29] Elle précise de plus « qu'il ne faut pas donner à l'obligation de renseignement une portée telle qu'elle écarterait l'obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires ».
[30] Les auteurs Baudouin et Jobin ajoutent que « l'obligation [d'information] ne s'étend pas à l'information que le cocontractant possède déjà ou à laquelle il pouvait accéder en se comportant avec une prudence et une diligence raisonnables ».
[31] Or, la preuve révèle que les appelants n'ont pas fait montre de cette prudence et de cette diligence, manquement que la confiance professée envers Laberge ne peut excuser. On comprend en effet difficilement que les appelants, malgré l'ampleur du projet dans lequel ils se lançaient, n'aient pas jugé utile de consulter les organismes ou entités compétents, ne se soient pas mieux renseignés et aient entrepris, sur la foi d'informations rudimentaires et incomplètes, de vendre leur élevage en France et d'immigrer avec toute la famille au Québec pour s'y lancer, sans autres préparatifs, dans l'élevage des chevaux canadiens. Sans doute ont-ils été portés par leur enthousiasme et par l'amitié que leur montrait Laberge, qu'ils connaissaient à peine, mais cela ne peut justifier qu'ils ne se soient pas mieux renseignés et n'aient pas mieux planifié leur aventure.Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Z8Urwm
Référence neutre: [2013] ABD 136
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