mercredi 24 avril 2013

Il est possible de déférer au juge saisi du fond d'un litige la question de la recevabilité en preuve de communications faisant état de discussions de règlement

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Nous en avons déjà discuté (voir notre billet du 19 juillet 2012), la règle qui prohibe la production en preuve de correspondances qui font état de discussions de règlement n'est pas absolue. De plus, la règle générale en est une d'exclusion de la preuve et ne créée pas une règle de communication privilégiée au sens strict (les informations échangées ne sont pas secrètes, elles ne peuvent tout simplement pas être déposées en preuve). C'est pourquoi il est loisible à un juge saisi d'une requête en radiation ou en rejet d'une pièce de déférer le tout au juge saisi du fond comme ce fût le cas dans Keith c. Godbout (2013 QCCS 1440).
 

Dans un recours en passation de titre, les Demandeurs recherchent le rejet d'une pièce déposée en défense au motif qu'il s'agit d'une correspondance transmise entre procureurs contenant une offre de règlement.
 
Saisie de la question, l'Honorable juge Sandra Bouchard réfère la décision au juge saisi du mérite de l'affaire pour les motifs suivants:
[9]  Les demandeurs requièrent le rejet de cette pièce principalement parce qu'il s'agit, selon eux, d'une correspondance transmise entre procureurs contenant une offre de règlement. Au surplus, ils allèguent que ladite correspondance R-2 contient un paragraphe qui spécifie clairement son exclusion devant un tribunal et qui se lit comme suit : 
La présente vous parvient bien évidemment sous réserve de tous les droits de notre client et ne pourra être invoquée devant quelque Tribunal que ce soit.
[10] Finalement, l'on invoque que l'on tente de donner un autre sens à cette correspondance en l'assimilant à « une dénonciation » comme celle prévue à l'article 6.5 de la promesse d'achat. 
[11] Les tribunaux ont souvent reconnu formellement le caractère privilégié de communications transmises dans le but de régler un litige. 
[12] Toutefois, l'article 2857 du Code civil du Québec prévoit que la preuve de tout fait pertinent est recevable et peut être faite par tous moyens. 
[13] Le caractère privilégié de la communication est limité aux faits limités à la négociation d'un règlement. Il a également déjà été reconnu qu'une partie puisse renoncer expressément au caractère privilégié d'une telle communication comme le défendeur le fait actuellement. 
[14] Or, comme la règle relative à l'irrecevabilité en preuve contient plusieurs exceptions et que le juge saisi du mérite d'une cause est mieux placé pour juger de cette situation en regard notamment de la pertinence, le Tribunal réfère la question au juge qui sera saisi du fond du litige.
Comme nous le mentionnions en introduction, la règle ayant trait à l'exclusion des discussions de règlement ne constitue pas un privilège au sens strict (raison pour laquelle nous n'aimons pas vraiment la référence dans le jugement à une communication privilégiée) en ce que l'information contenue dans de telles communications n'est pas secrète, mais plutôt simplement irrecevable en preuve en règle générale.
 
C'est pourquoi la décision de la juge Bouchard de référer la question de la recevabilité au juge saisi  du fond nous apparaît tout à fait acceptable. Par ailleurs, s'il avait été le cas d'un vrai privilège (telle les communications couvertes par le secret professionnel), il va sans dire qu'une telle solution aurait posé problème puisqu'il s'agit là d'une question qui doit, de par sa nature, être tranchée immédiatement.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/10A2I2T

Référence neutre: [2013] ABD 164
 

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