jeudi 21 février 2013

La condamnation personnelle de l'alter ego nécessite la démonstration de la fraude, l'abus de droit ou la contravention à une règle intéressant l'ordre public

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

Je sais que nous en avons déjà traité à trois reprises (juin 2011, février 2012 et juillet 2012), mais la question demeure étrangement mal comprise par plusieurs de sorte que nous persévérons. En effet, dans Leveillé c. Auberge Ouareau inc. (2013 QCCS 574), l'Honorable juge Stéphane Sansfaçon réitère que la conclusion que l'unique actionnaire et administrateur d'une compagnie en est l'alter ego n'implique pas la responsabilité personnelle de celui-ci en l'absence de fraude, abus de droit ou contravention à une règle intéressant l'ordre public.


Dans cette affaire, le Demandeur allègue avoir subi une éviction partielle de la propriété qu'il a acquise de la Défenderesse. Il demande donc solidairement des Défendeurs le remboursement des honoraires qu'il a dû payer dans le cadre du litige en bornage survenu après l'achat et qui a résulté en la perte d'une partie du terrain, en la perte de valeur de cette partie de terrain et en dommages pour troubles et inconvénients.

Le Défendeur est le seul administrateur et actionnaire de la Défenderesse, laquelle a été volontairement dissoute. C'est principalement sur la base du fait que le Défendeur est l'alter ego de la Défenderesse que le Demandeur recherche sa responsabilité.

Le juge Sansfaçon en vient effectivement à la conclusion que le Défendeur est l'alter ego de la Défenderesse. En l'absence de fraude, d'abus de droit ou de contravention à une règle intéressant l'ordre public cependant, cette constatation n'entraîne pas la responsabilité personnelle du Défendeur:
[70] Pour que l’article 317 C.c.Q. s’applique et que l’administrateur puisse être reconnu fautif pour le geste posé dans l’exécution de ses fonctions, il faut que soit démontré que la compagnie a servi à masquer l’une des trois infractions qui y sont énoncées, soit la fraude, l’abus de droit et la contravention à une règle d’ordre public. De plus, la simple preuve de mauvaise foi ne suffit pas, non plus qu’un bris de contrat. 
[71] Qu’en est-il en l’espèce? 
[72] Rien dans la preuve ne démontre que M. Viau aurait utilisé Auberge Ouareau Inc. afin de perpétrer un geste illégal ou répréhensible. 
[73] Au contraire, la preuve démontre que cette compagnie a, au cours des années, eu différents actionnaires et administrateurs et a réellement exploité d’abord un camp de jeunes, un camp musical, des colonies de vacances, puis une auberge offrant de multiples services et activités. L’entreprise employait dans ses bonnes années jusqu’à 30 employés. 
[74] S’il est exact que M. Viau, le défendeur, en est le seul administrateur et actionnaire et qu’il peut en être considéré l’alter ego, cela ne suffit pas à lui rendre applicable l’article 317 C.c.Q. et ne suffit pas à le condamner, en l’absence de toute preuve de l’une ou l’autre des infractions mentionnées à cet article. Toutes les décisions soumises par le demandeur à l’appui de sa position peuvent être distinguées puisque dans tous ces cas, une fraude évidente avait été prouvée. 
[75] Par conséquent, la responsabilité personnelle de M. Viau ne peut être retenue.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/XmpiHK

Référence neutre: [2013] ABD 75

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