mardi 29 janvier 2013

Règle générale, la requête en jugement déclaratoire ne sera pas appropriée lorsqu'il existe déjà des procédures dans lesquelles l'on pourra faire valoir ses moyens

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

À travers les années, l'appareil judiciaire est devenu de plus en plus complexe, créant bon nombre de situations où différentes autorités peuvent avoir une juridiction concurrente sur une question. C'est pourquoi les tribunaux judiciaires tentent, dans la mesure du possible, d'éviter les dédoublements de procédures et les attaques collatérales. Le domaine des jugements déclaratoires est fertile pour ce genre de situations et c'est pourquoi la Cour supérieure utilise souvent son pouvoir discrétionnaire pour refuser d'entendre une cause lorsqu'un litige connexe entre les parties est déjà pendant. La récente décision de la Cour d'appel dans Poulin c. Commissaire au lobbyisme du Québec (2013 QCCA 131) offre une belle illustration de ce propos.


Les faits de l'affaire sont simples.
 
Les Appelants font l'objet de poursuites pénales devant la Cour du Québec pour avoir prétendument omis de s'inscrire au registre des lobbyistes, conformément à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.
 
Suite au dépôt de ces poursuites, les Appelants présentent à la Cour supérieure une requête en jugement déclaratoire, dans laquelle ils demandent une déclaration d'illégalité à l'égard d'un avis du Commissaire au lobbyisme du Québec, lequel aura une incidence sur les poursuites pénales.
 
Le juge de première instance saisi de la requête en jugement déclaratoire (l'Honorable juge Daniel W. Payette) voit là une "espèce de litispendance" et, considérant que le recours en jugement déclaratoire n'est pas approprié, rejette les procédures devant lui.
 
La Cour d'appel confirme cette décision. En effet, les Honorables juges Dufresne, Bouchard et Gascon sont d'avis que les Appelantes bénéficient déjà d'un forum pour faire valoir leur argument quant à la légalité et la force contraignante de l'avis du Commissaire:
[6] Si les avis du Commissaire ne peuvent exercer aucune autorité contraignante sur l’interprétation judiciaire, comme le plaident les appelants, il paraît inutile qu’ils requièrent en même temps de la Cour supérieure qu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire pour prononcer la nullité de cet ou ces avis. 
[7] En outre, les conditions de l'article 453 C.p.c. ne sont pas satisfaites, dans la mesure où les appelants voudraient procéder par voie de jugement déclaratoire en Cour supérieure, alors qu'on ne sait pas encore si les avis du Commissaire, dont celui du 30 juin 2005, seront admis en preuve dans les procédures pénales pendantes en Cour du Québec. Il n'est pas non plus acquis qu'advenant leur admissibilité, le juge du procès se sentira lié par ces avis, dont on plaidera sûrement le caractère non-contraignant, et on connaît encore moins la décision qu’il prendra à ce sujet ou le poids qu’il donnera aux avis. 
[8] Bref, une autre voie efficace existe, en l’espèce, pour trancher l’essentiel des questions que les appelants préféreraient voir trancher par la Cour supérieure. Le jugement de la Cour du Québec est sujet à appel de plein droit devant la Cour supérieure (art. 270 C.p.p.) et le jugement de la Cour supérieure l’est, sur permission sur une question de droit seulement, devant la Cour d’appel (art. 291 C.p.p.). 
[9] C'est donc avec raison que le juge de première instance a invité les appelants à faire valoir leurs moyens devant la Cour du Québec, siégeant en matière pénale, et rejeté, en conséquence, leur requête en jugement déclaratoire. En somme, les appelants ne démontrent pas de la part du juge de première instance un exercice déraisonnable de sa discrétion.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/117JueW

Référence neutre: [2013] ABD 41
 

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    Si je comprends bien, un justiciable aura recours à la requête pour jugement déclaratoire, en vertu de l'art. 465 du C.p.c., dans le cas où l'application de la loi est ambiguë ? une zone grise ?
    Merci à l'avance.

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