mardi 6 novembre 2012

Lorsque saisie d'une requête en rejet d'action, la Cour doit prendre en considération la possibilité pour une partie de faire valoir que l'état du droit sur une question devrait changer

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

On le sait, lorsque saisie d'une requête en rejet, la Cour doit faire preuve de prudence. C'est non seulement le cas parce que la preuve au stade préliminaire n'est pas complète, mais également parce qu'il faut, comme le souligne l'affaire Laberge c. Gemme (2012 QCCS 5453), laisser de la place à la possibilité que la partie demanderesse établisse qu'une nouvelle voie jurisprudentielle sur un point donné s'impose. En effet, le droit n'est jamais figé.


Dans cette affaire, le Procureur général du Québec, Défendeur, demande le rejet de la requête introductive d’instance en vices cachés intentée contre lui.  

Après analyse de la preuve sommaire qui lui est présentée, l'Honorable juge Carole Julien en vient à la conclusion qu'elle ne peut conclure à ce stade que le recours est abusif ou voué à l'échec. Elle ajoute de plus, et c'est le principe qui nous intéresse en l'instance, qu'il faut laisser l'opportunité à la partie demanderesse de présenter ses arguments novateurs en droit:
[22] L’article 54.1 C.p.c. permet « le rejet total d’une action jugée abusive, et ce, avant même que la partie demanderesse ait eu le bénéfice d’un procès et la possibilité d’y faire une preuve complète. C’est même l’objectif de ces dispositions que soit stoppé en cours de route un recours manifestement mal fondé ou abusif, dont on réalise qu’il est voué à l’échec ». 
[23] Le Tribunal doit exercer ce pouvoir de manière prudente. 
[24] En l’espèce, le recours exercé par les demandeurs est sérieux et s’appuie sur une preuve suffisante pour la tenue du procès à l’égard de toutes les parties concernées incluant le PGQ. Les interrogatoires hors cour ne permettent pas d’écarter la responsabilité du PGQ à la face du dossier. D’autre part, plusieurs témoins externes seront entendus dont on annonce qu’ils démontreront la faute commise par le Ministère. 
[25] Le caractère abusif du recours dont on demande le rejet doit apparaître de façon évidente pour entraîner cette sanction. Il ne s’agit pas de tenir un procès avant le procès pour départager la preuve et peser le mérite des positions respectives des parties. 
[26] La requête en rejet ne conclut d’ailleurs pas au rejet total de la poursuite mais seulement à l’égard du PGQ. Or, le comportement des représentants du Ministère restera un élément de la preuve malgré un rejet de la poursuite à l’égard du PGQ. 
[27] Les demandeurs ont l’intention de plaider que le concept de faute par omission et la théorie du principe de précaution trouvent une application plus large en matière d’environnement créant une obligation de prudence et de diligence élargie. 
[28] Il appartiendra également au juge du fond de déterminer une responsabilité éventuelle du PGQ dans le contexte de l’environnement juridique applicable au Ministère en vertu des lois qui le gouvernent. Cet examen visera notamment la forme et le fond des conclusions dirigées contre le PGQ. 
[29] Le PGQ plaide que le présent recours s’écarte des principes de droit qui lui sont applicables tant sur l’évaluation des principes de responsabilité que sur la nature des conclusions recherchées à son égard. C’est possible. Mais en présence des faits sommairement plaidés à ce stade, il faut éviter de court-circuiter toute possibilité d’établir les développements jurisprudentiels proposés par un plaideur.  
[30] Le Tribunal ne peut conclure à ce stade que le présent recours soit voué à l’échec.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/SRBRH5

Référence neutre: [2012] ABD 401

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