mardi 6 novembre 2012

Les recours prévus à la Loi sur les sociétés par actions du Québec ne peuvent être exercés pour des faits survenus avant son entrée en vigueur

par Karim Renno
Irving Mitchell Kalichman s.e.n.c.r.l.

L'adoption et l'entrée en vigueur subséquente de la Loi sur les sociétés par actions du Québec a officiellement introduit pour les compagnies québécoises le recours en oppression. Avant cette entrée en vigueur, les recours de ce type devaient se fonder sur le pouvoir de surveillance et contrôle de la Cour supérieure (art. 33 C.p.c.). Il n'est donc pas surprenant que des questions de droit transitoire se posent à savoir si l'on peut utiliser les recours prévus dans la nouvelle loi même si les faits générateurs de la cause d'action ont eu lieu avant son entrée en vigueur. Cette question s'est posée récemment dans l'affaire Sawyer et Teller-Sawyer (2012 QCCS 5416).
 

Dans cette affaires, les Demandeurs s'autorisent des dispositions de la Loi sur les sociétés par actions du Québec, et subsidiairement sur le pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure, pour demander de mettre de côté certaines opérations découlant d'une réorganisation corporative qui a eu lieu en 2000.
 
Dès lors, se pose la question de savoir si la nouvelle loi, entrée en vigueur en 2011, est applicable. L'Honorable juge Martin Castonguay en vient à la conclusion que ce n'est pas le cas:
[145] Pour traiter de ces demandes, il faut, dans un premier temps, déterminer la loi applicable. 
[146] En effet, si les remèdes recherchés sont maintenant prévus à la Loi sur les sociétés par actions (ci-après la «LSAQ »), ce n’est pas nécessairement le cas de ceux ouverts au Tribunal en vertu de son pouvoir de surveillance et contrôle, ceux-là étant tributaires d’un cadre établi par la jurisprudence. 
[147] Bref, les faits donnant ouverture au présent recours datent de l’an 2000. Ainsi, la LSAQ, en vigueur depuis 2011, peut-elle être appliquée rétroactivement ? 
[148] Bien que certains auteurs semblent répondre affirmativement à cette question, nos tribunaux en ont décidé autrement, et ce, de façon constante. 
[149] Ainsi s’exprimait le juge Cullen, en 2011, dans l’affaire 9126-7583 Québec c. Investissements du Versant Inc.
[289] En principe, la conduite passée des défendeurs doit s’apprécier à la lumière des règles de droit en vigueur au moment de celle-ci et des principes juridiques alors applicables, car les lois nouvelles ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive, à moins d’un texte explicite ou qu’une telle interprétation soit implicitement nécessaire. 
[290] La LSAQ n’attribue pas explicitement un effet rétroactif aux articles 450 à 453. Aucune autorité soumise au tribunal ne confirme la nécessité de conférer un tel effet aux articles 450 à 452 LSAQ (les seuls articles pertinents aux fins du présent jugement), d’autant moins qu’ils énoncent des règles substantives et non simplement procédurales.
[150] Dans une autre affaire, Charland c. Lessard, la juge Corriveau y va du commentaire suivant :
137. Le Tribunal est d’avis que les règles régissant le recours en oppression de la LSAQ ne peuvent trouver application au présent litige, puisque la Loi est entrée en vigueur après le commencement des procédures, sans qu’un effet rétroactif ne soit prévu.
[151] Finalement, dans une toute récente affaire, la Cour d’appel a mis fin au débat de la façon suivante :
4. En ce qui a trait au recours en oppression de l’appelant, c’est avec raison que le juge a écarté toute référence à la Loi sur les sociétés par actions, car les modifications pertinentes sont entrées en vigueur après que celui-ci eut été intenté.
[152] Le présent recours a été intenté plus de deux ans avant l’entrée en vigueur de la LSAQ. Il ne saurait donc y avoir d’effet rétroactif de celle-ci. 
[153] Dès lors, les remèdes envisagés par les demandeurs doivent s’inscrire dans la foulée du pouvoir inhérent de la Cour supérieure.
Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/Pzmvss

Référence neutre: [2012] ABD 402

Autres décisions citées dans le présent billet:

1. 9126-7583 Québec c. Investissements du Versant Inc., 2011 QCCS 6703.
2. Charland c. Lessard, J.E. 2012-1221 (C.S.).
3. Gagnon c. Parizeau, 2012 QCCA 1722.

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