vendredi 4 mars 2011

La validité des clauses de parachutes dorés et les critères pertinents à leur appréciation

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

On remonte dans le temps aujourd'hui (en 2003 pour être plus précis) pour discuter d'une décision de la Cour supérieure du Québec traitant des "parachutes dorés". En effet, dans l'affaire Mondoux c. Directory Management America.com (J.E. 2003-1787), l'honorable juge Pierre Jasmin a été appelé à juger de la validité d'une clause de "parachute doré" en droit québécois.


Les faits dudit litige sont plutôt simples. Le demandeur Mondoux s'était associé à deux autres personnes pour créer la compagnie défenderesse. Les trois investisseurs agissaient également à titre d'administrateurs de la compagnie. Le contrat d'emploi du demandeur Mondoux contenait une clause de "parachute doré" qui lui garantissait le paiement de son plein salaire pour le terme initial dudit contrat s'il était congédié sans cause. Selon le juge Jasmin, la preuve démontre que ladite clause avait été insérée dans les contrats d'emploi des trois investisseurs et administrateurs afin de les protéger en prévision d'un investissement majeur d'une tierce partie dans la compagnie défenderesse. Le demandeur fut congédié par la compagnie défenderesse et réclame son plein salaire pour la durée totale initiale de son contrat d'emploi conformément à la clause de "parachute doré".

Le juge Jasmin conclut d'abord que le congédiement de demandeur a été fait sans cause et donc que la condition précédente à l'application de la clause de "parachute doré" était remplie. Par ailleurs, le juge Jasmin ajoute qu'en principe rien en droit québécois ne s'oppose à ce qu'une clause de "parachute doré" soit valable. Il ajoute cependant que même si les "parachutes dorés" peuvent être justifiés et acceptables, leur validité et leur légalité peuvent être remises en question lorsqu'en présence de certains faits qui démontrent qu'elles ne sont pas dans le meilleur intérêt de la compagnie débitrice de l'obligation. En l'instance, le juge Jasmin considère que la clause de "parachute doré" impose un fardeau trop lourd à la compagnie et prononce l'annulation de celle-ci. La décision du juge Jasmin se fonde sur deux constatations principales:

1. Au moment de la signature des contrats d'emploi que se sont attribués les trois investisseurs initiaux, la compagnie défenderesse n'avait aucun actif et n'avait même pas débutée ses opérations. Les obligations financières découlant de ces "parachutes dorés", si elles étaient remplies, auraient constitué une dilapidation injustifiable du peu d'actif de la défenderesse. Elles étaient donc abusives et n'étaient clairement pas adoptées dans le meilleur intérêt de la compagnie. [NTD: D'ailleurs, la preuve dans cette affaire démontre que même à la date du jugement, la satisfaction par la compagnie des obligations que lui imposait la clause de "parachute doré" lui aurait causé un sévère préjudice]
2. Conformément aux articles 321 et 322 du Code civil du Québec, les administrateurs d'une compagnie doivent agir dans l'intérêt de celle-ci. Or, les administrateurs ont plutôt agi dans leur intérêt personnel. Se faisant ils se sont également placé en conflit d'intérêt, ce que prohibe l'article 324 du Code civil du Québec.
Il ressort donc de la présente décision que la validité d'une clause de "parachute doré" en droit québécois dépendra du caractère raisonnable de l'obligation qu'elle impose à la compagnie (quoique la question se pose à savoir si la détermination de ce caractère raisonnable doit se faire à la date de signature du contrat contenant ladite clause ou à la date du congédiement) et surtout de la question à savoir si ladite clause sert les meilleurs intérêts de la compagnie.

Le texte intégral du jugement est disponible ici: http://bit.ly/fUL3qh

Référence neutre: [2011] ABD 75

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