mardi 11 janvier 2011

Le fait de vouloir se constituer une preuve plus complète n'équivaut pas à une impossibilité d'agir

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En octobre dernier, nous attirions votre attention sur un jugement de la Cour d'appel qui traitait de l'impossibilité d'agir eu égard au délai d'appel et qui indiquait que l'attente de se constituer une preuve complète n'équivalait pas à une telle impossibilité d'agir. Aujourd'hui, nous traitons d'une décision similaire, cette fois en matière de prescription. Il s'agit de l'affaire Prince c. Allard (2009 QCCS 5984).


Dans cette affaire, le Demandeur allègue que la prescription pour son recours a été suspendue parce qu'il était dans l'impossibilité en fait d'agir. En effet, il soumet que, bien que conscient de l'existence de sa cause d'action, il n'avait pas été en mesure d'accumuler la preuve nécessaire pour instituer son recours.

L'Honorable juge Geneviève Marcotte indique que la nécessité subjective d'accumuler plus de preuve au support d'un recours ne saurait constituer une impossibilité d'agir pour les fins de la prescription:
[20] Prince ne peut invoquer son ignorance des faits pour soutenir une impossibilité en fait d'agir, tel que le signalait la Cour suprême dans Oznaga, sous la plume du juge Lamer au passage suivant :
« Ainsi suis-je d’avis que c’est à bon droit que de façon générale les auteurs refusent de considérer l’ignorance, par le créancier, des faits juridiques géné­rateurs de son droit, comme étant une impossibilité absolue en fait d’agir (voir Pierre Martineau, La prescription, P.U.M., 1977, aux pp. 353 et ss.). Par ailleurs, on semble tout autant d’accord, et j’y souscris, pour reconnaître que l’ignorance des faits juridiques générateurs de son droit, lorsque cette ignorance résulte d’une faute du débiteur, est une impossibilité en fait d’agir prévue à l’art. 2232 et que le point de départ de la computation des délais sera suspendu jusqu’à ce que le créancier ait eu connaissance de l’existence de son droit, en autant, ajouterais-je, qu’il se soit comporté avec la vigilance du bon père de famille. »
[21] Il ne peut par ailleurs plaider l'impossibilité en fait d'agir alors qu'il était repré­senté et que son avocate a eu connaissance des éléments de faits générateurs de droit en prenant connaissance du jugement Auclair, au plus tard en mars 2006.
[22] Tout comme l'a indiqué la Cour d'appel dans l'arrêt Sylvère c. Hazan, la raison invoquée par son avocate pour justifier cette attente, soit l'accumulation d'une preuve suffisante ne constitue pas une impossibilité en fait au sens de l'article 2904 C.c.Q.
[23] De fait, l'avocate avait pleinement connaissance du jugement Auclair dès le mois de mars 2006. Ce jugement faisait état du contenu de la Lettre qu'elle estime clé pour les fins de son dossier. Elle pouvait de plus consulter le dossier de Cour pour vérifier son contenu, tout comme son client l’a lui-même fait à l'automne 2008, si elle le croyait nécessaire.
Pour cette raison, elle accueille la requête en irrecevabilité du recours.

Référence: [2011] ABD 12

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