mercredi 12 janvier 2011

L'obligation pour le plaignant d'être de bonne foi pour intenter une action en vertu de l'article 239 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Afin d'intenter une action en justice au nom d'une compagnie incorporée en vertu de l'article 239 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, un plaignant potentiel doit satisfaire à certains critères. La décision de la Cour supérieure dans Bernard c. Dubois (2010 QCCS 66) traite desdits critères et met l'accent sur la nécessité que le plaignant potentiel soit de bonne foi.


Dans cette affaire, le Demandeur requiert l'autorisation de la Cour pour intenter un recours similaire à l'action oblique suivant la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il veut obtenir la permission d'agir seul au nom de la mise en cause pour réclamer 20 133,00 $ du Défendeur et certaines autres personnes. Le Demandeur veut également être autorisé à payer au nom de S.E. Marketing 10 309,26 $ au propriétaire de l'immeuble où se trouvait le dernier entrepôt de S.E. Marketing et demande que tous les honoraires professionnels engagés pour le présent recours et le futur, s'il y a lieu, soient assumés par S.E. Marketing. Saisie de cette demande d'autorisation, l'Honorable juge Line Samoisette doit décider si le Demandeur répond aux critères applicables.

La juge Samoisette pose d'abord le cadre juridique applicable:
[21] L'article 239 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions se lit :
"Recours similaire à l’action oblique
239. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le plaignant peut demander au tribunal l’autorisation soit d’intenter une action au nom et pour le compte d’une société ou de l’une de ses filiales, soit d’intervenir dans une action à laquelle est partie une telle personne morale, afin d’y mettre fin, de la poursuivre ou d’y présenter une défense pour le compte de cette personne morale.
Conditions préalables
(2) L’action ou l’intervention visées au paragraphe (1) ne sont recevables que si le tribunal est convaincu à la fois :
a) que le plaignant a donné avis de son intention de présenter la demande, dans les quatorze jours avant la présentation ou dans le délai que le tribunal estime indiqué, aux administrateurs de la société ou de sa filiale au cas où ils n’ont pas intenté l’action, n’y ont pas mis fin ou n’ont pas agi avec diligence au cours des procédures;
b) que le plaignant agit de bonne foi;
c) qu’il semble être de l’intérêt de la société ou de sa filiale d’intenter l’action, de la poursuivre, de présenter une défense ou d’y mettre fin."
[22] Le tribunal doit donc être convaincu que l'avis a été donné, que Bernard a agi de bonne foi et qu'il semble être dans l'intérêt de S.E. Marketing de poursuivre Balou et ses associés.
[23] En l'instance, la transmission de l'avis n'est pas contestée.
[24] Reste à déterminer si Bernard a agi de bonne foi et s'il semble dans l'intérêt de S.E. Marketing de poursuivre Balou et ses associés.
[25] Les auteurs, Mes Maurice et Paul Martel dans leur volume La compagnie au Québec traitent de la bonne foi et de l'intérêt de la société de la façon suivante:
[31-102]
"[…]
Il a été établi par la jurisprudence que le plaignant n'est pas de bonne foi lorsque son action est motivée par une «vendetta privée» ou lorsqu'elle est frivole ou vexatoire; son intérêt personnel (self-interest) ne constitue pas de la mauvaise foi lorsqu'il ne fait que coïncider avec l'intérêt de la société."
[31-103]
"Pour ce qui a trait à l'intérêt de la société, les tribunaux exigent qu'on leur démontre que l'action proposée a des chances raisonnables de succès, et que ce succès ne sera pas insignifiant."
[31-104]
"La loi requiert que le tribunal soit satisfait non pas que l'action est dans l'intérêt de la société mais simplement qu'elle semble l'être. Le fardeau de preuve est donc moins lourd que, par exemple, pour un recours pour oppression. Il s'apparente à celui d'une demande d'enquête. Le tribunal doit se demander si l'action a un certain mérite prima facie, plutôt que si elle va être couronnée de succès."
En l'instance, après analyse de la preuve, la juge Samoisette en vient à la conclusion que le Demandeur n'agit pas de bonne foi puisqu'il cherche à intenter les procédures presque purement pour son intérêt personnel et que celles-ci ne seraient pas bénéfiques pour la compagnie:
[34] Le tribunal ne peut conclure que Bernard a agi de bonne foi.
[35] La preuve démontre qu'au jour de l'audience, l'argent détenu en fidéicommis est suffisant pour payer les créanciers. Certes Bernard et Dubois ne pourront pas récupérer leur mise de fonds ce qui est le lot de bien des investisseurs surtout lorsqu'une compagnie ferme ses portes après huit mois seulement d'exploitation.
[36] Quel est l'intérêt de la compagnie de poursuivre ses opérations? La preuve démontre que si la compagnie n'est pas dissoute prochainement, il est vraisemblable qu'il y aura des frais d'environ 550,00 $ par année qui s'additionneront pour la maintenir en force.
[37] Enfin, la preuve révèle qu'il en coûtera 5 000,00 $ à S.E. Marketing en honoraires professionnels supplémentaires au 5 000,00 $ déjà engagés pour réclamer 20 133,00 $ à Balou si la présente requête devait être accueillie.
[38] Prenant en considération l'ensemble de la situation, le tribunal estime qu'il ne semble pas être dans l'intérêt de S.E. Marketing de poursuivre Balou et ses associés .
[39] En conséquence, il n'y a pas lieu de permettre à Bernard d'agir seul au nom de S.E. Marketing.
Référence: [2011] ABD 13

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