lundi 8 novembre 2010

Selon la Cour supérieure, la sollicitation implique un élément d'insistance

Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l.

En droit de l'emploi, la clause de non-sollicitation est la pauvre cousine de la clause de non-concurrence. En effet, non seulement est-ce que la portée d'une telle clause est beaucoup plus limitée qu'un engagement de non-concurrence, mais la preuve de la non-sollicitation est souvent difficile à faire. Au surplus, plusieurs décisions, incluant la récente décision de MP2B c. Payette (2010 QCCS 5223), ont adopté une définition de la sollicitation qui rend la tâche d'une partie demanderesse d'autant plus ardue.


Le Défendeur, ancien actionnaire de la Demanderesse, est lié par une clause de non-sollicitation (mais pas de clause de non-concurrence). La preuve démontre qu'après avoir quitté la Demanderesse, le Défendeur place une publicité dans un hebdomadaire spécialisé dans son domaine de travail et qu'il répond aux appels de ses anciens clients, dont certains décident de le suivre.

L'Honorable juge Pierre Nollet pose d'abord la définition de la sollicitation:
[43] La Cour supérieure s'est déjà prononcée sur l’interprétation du mot « solliciter ».
Le tribunal constate que les auteurs de dictionnaire divergent d’opinion sur le sens du mot « solliciter ». Robert et de Villers accolent les notions de pression et d’insistance à la sollicitation alors que Larousse n’en fait pas des éléments essentiels de la sollicitation. De Villers est par ailleurs un dictionnaire américain, et donc en principe plus près des faits de cette cause.
L’insistance, l’obstination (de Villers), c’est l’action de s’arrêter avec force sur un point particulier (Robert). C’est l’action de revenir souvent sur quelque chose (Larousse) […]
[44] La Loi et les circonstances du présent dossier imposent un important fardeau à la partie alléguant une sollicitation prohibée.
En l'instance, le juge Nollet ne trouve aucune preuve de sollicitation par le Défendeur. En effet, ce n'est pas lui qui a pris l'initiative de contacter les clients qui ont ultimement décidés de le suivre. Qui plus est, la publication d'une annonce générale ne constitue pas une sollicitation prohibée (voir Leclair c. Houle):
[62] Reste la publication d’une annonce dans le journal Constructo. Constitue-t-elle de la sollicitation prohibée par la convention d'actionnaires? Pour les mêmes motifs que ceux exprimés dans le jugement de la Cour supérieure susmentionné, le tribunal en vient à la conclusion que la simple parution d'une publicité n’est pas une sollicitation au sens de l’article 24.1 de la convention d’actionnaires.

Commentaire:

De l'avis du soussigné, la conclusion factuelle à laquelle en arrive le juge Nollet ne pose aucun problème. En effet, le dossier ne démontre aucune preuve de sollicitation active de la part du Défendeur. Qui plus est, aller plus loin et demander au Défendeur de ne pas répondre aux appels de ses anciens clients aurait pour effet de transformer la clause de non-sollicitation en obligation de non-concurrence.

Ce qui nous pose personnellement problème c'est l'inclusion de la notion d'insistance dans la définition de la sollicitation. Les paragraphes suivants du jugement illustrent bien ce propos:
[51] L'affaire Martin Assurances interprète «approcher ou recruter» une clientèle comme une obligation accessoire à la prohibition de solliciter. Le tribunal croit que la même approche peut être suivie pour ce qui est de l'interdiction «d'amener ses clients à mettre fin à sa relation avec MP2B».
[52] Même si peu de clients résistent à la possibilité de voir leur prime diminuée de moitié, cette proposition ne constitue pas une sollicitation prohibée parce qu'elle n'est pas faite à l'initiative de Benoit Payette ni avec insistance.
                                                            [nous soulignons]

Respectueusement, c'est là placer la barre trop haute. S'il faut démontrer non seulement que le débiteur de l'obligation de non-sollicitation a initié le contact, mais également qu'il a fait preuve d'insistance, c'est dire que l'on accepte la première instance de sollicitation. Dans ce cas, rien n'empêche une personne liée par une stipulation de non-sollicitation de contacter tous ses anciens clients une fois pour les inviter à faire affaire avec lui.

Référence : [2010] ABD 149

Autre décision citée dans le présent billet:

1. Leclair c. Houle, J.E. 95-324 (C.S.).

2 commentaires:

  1. Il y a une erreur dans cette phrase je crois:

    "S'il faut démontrer non seulement que le débiteur de l'obligation de non-concurrence a initié le contact, mais également qu'il a fait preuve d'insistance, c'est dire que l'on accepte la première instance de sollicitation."

    On ne parle pas plutôt du débiteur de l'obligation de non-sollicitation?

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  2. Vous avez tout à fait raison. Merci pour le commentaire, c'est corrigé.

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