mardi 10 décembre 2024

La démonstration d'une intention de tromper est nécessaire dans le cadre d'un recours pour dol

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le dol se définit comme étant un "[m]oyen destiné à tromper une personne dans le but de l'amener à s'engager par un acte juridique ou à s'engager à des conditions différentes de celles qu'elle aurait normalement acceptées" (voir Lépine c. Khalid, 2004 CanLII 22206 (C.A.), par. 52). Ainsi, qui dit dol dit nécessairement intention de tromper. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans la décision récente rendue dans 9315-7105 Québec inc. c. Succession de Lalonde Garon (2024 QCCA 1641).


Dans cette affaire, les Appelantes se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure qui a rejeté une demande en réduction du prix de vente et en dommages au motif de dol et vices cachés lors de l’achat d’un immeuble centenaire.

Les Appelantes font valoir que la juge de première instance a erré en exigeant qu'elles démontrent une intention de tromper. Selon elles, il y avait assez d'éléments factuels dans le dossier pour présumer d'une telle intention.

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Beaupré, Moore et Lavallée en vient à la conclusion que le jugement de première instance est bien fondé. En particulier, la Cour indique que c'est avec raison que la juge de première instance a exigé la démonstration d'une intention de tromper dans le cadre du recours pour dol:
[7] En essence, les appelantes soulèvent quatre moyens d’appel, lesquels consistent à soutenir que le juge a erré en concluant que: 1) le dol n’a pas été établi; 2) les appelantes ne pouvaient pas invoquer le dol dans la mesure où elles n’étaient pas parties au contrat de vente; 3) la famille Borgia avait fait preuve de négligence lors de l’achat rendant ainsi apparents les vices allégués; 4) la clause d’exclusion de garantie dans le contrat par lequel 9358 s’est portée acquéreuse de l’immeuble l’empêchait de poursuivre l’intimée en vices cachés. 
[8] Pour les motifs qui suivent, l’appel doit échouer. 
[9] Quant au premier moyen, et contrairement à ce que semblent faire valoir les appelantes, la juge a raison d’énoncer que la preuve d’une intention de tromper est nécessaire au recours pour cause de dol. En réalité, les appelantes tentent de convaincre la Cour que la juge aurait dû conclure qu’une telle preuve avait été administrée par voie de présomptions de fait, mode probatoire non seulement permis, mais souvent nécessaire afin d’établir l’état d’esprit nécessaire à l’existence d’un dol. À ce titre, les appelantes plaident que les travaux liés aux permis P-31 et effectués en 2003-2004 et 2005 étaient « importants » au sens des clauses 13.2 et 13.3 de la déclaration de la vendeuse et que non seulement la vendeuse devait-elle les déclarer, mais que le défaut de ce faire était si déraisonnable qu’il ne pouvait s’expliquer que par une intention de tromper. 
[10] Or, la juge conclut plutôt de la preuve que ces travaux, même d’envergure, peuvent être perçus comme l’expression du souci des propriétaires de maintenir l’immeuble en bon état et que rien n’établit que la vendeuse les a cachés dans le but de tromper les acheteurs. Au surplus, l’on peut comprendre des motifs de la juge qu’au-delà de l’intention trompeuse de la vendeuse, le caractère déterminant de l’information non divulguée n’était pas établi, ce que le dossier permettait d’ailleurs de conclure. Il s’agit là d’une conclusion de fait qui exige de notre Cour une grande déférence. Les appelantes ne parvenant pas à convaincre de l’existence d’une erreur manifeste et déterminante sur ce point, il ne peut y avoir d’intervention. 
[11] Le rejet de ce premier moyen est fatal en ce qui concerne l’action pour dol. Il n’est donc pas nécessaire d’aborder la question de savoir si les appelantes pouvaient intenter une telle action, que ce soit aux termes de l’acte de cession (pour 9315), de l’article 1442 C.c.Q., de la théorie de l’alter ego ou encore en application des règles de la responsabilité civile.
Référence : [2024] ABD 503

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