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La majorité des conventions unanimes d'actionnaires prévoit des situations où l'on peut forcer le retrait d'un actionnaire. Ces clauses nécessitent par ailleurs presque toujours que l'actionnaire en question soit en défaut et qu'il ait reçu un avis à cet égard. Dans l'affaire 9416-7079 Québec inc. c. Gestion EzTime inc. (2024 QCCA 1625), la Cour d'appel souligne que pour être efficace cet avis doit dénoncer expressément les reproches formulés à l'actionnaire.
Dans cette affaire, les Appelantes se pourvoient à l'encontre d'un jugement de première instance qui a rejeté leur recours visant à forcer l'Intimée à vendre ses actions dans la Mise en cause en vertu du mécanisme de retrait forcé prévu à la convention unanime d'actionnaires.
Le juge de première instance en est venu à la conclusion que le mécanisme de retrait forcé ne pouvait trouver application puisque l'avis de défaut n'a pas été envoyé avec le délai nécessaire avant l'assemblée d'actionnaire et parce que ledit avis de mentionnait pas spécifiquement ce qui était reproché à l'Intimée.
Les Appelants plaident que l'Intimée connaissait déjà son défaut et qu'il n'est pas toujours nécessaire d'explicitement indiquer le défaut dans un avis à un actionnaire.
Une formation unanime de la Cour d'appel composée des Honorables juges Beaupré, Moore et Lavallée rejette le pourvoi et donne tort aux Appelantes sur la question de l'avis de défaut. En effet, celui-ci doit être spécifique pour pouvoir avoir l'effet escompté:
[25] Le juge a-t-il erré en rejetant la demande de retrait forcé de l’intimée au motif que l’avis de convocation ne mentionnait pas le défaut reproché eu égard à la clause de non‑concurrence? Telle est la question que soulève le dernier moyen d’appel.
[26] Pour rappel, le juge de première instance conclut qu’il « n’y a aucune mention [contenue à l’avis de convocation du 29 mai 2020] voulant que [l’intimée] soit en défaut à cet égard en raison du fait que [Vêtements Flip Design inc.] vend à des tiers des masques lavables et de la matière filtrante destinée à ceux-ci et qu’elle dispose d’un délai de trois jours de la réception de l’avis pour y remédier ».[27] Les appelantes affirment que l’intimée était pleinement consciente de son défaut, pour en avoir été informée lors de l’assemblée extraordinaire ainsi que par le procès‑verbal de celle-ci. Elles plaident que l’arrêt Simard c. Claisse prévoit qu’un avis de retrait forcé des affaires peut être valide en l’absence d’un avis de défaut.[28] Ce moyen doit échouer. Il suffit, à cet égard, de prendre acte de l’admission des appelantes selon laquelle l’intimée a « été pleinement informée de son défaut de se conformer à la clause de non‑concurrence lors de l’Assemblée extraordinaire » du 1er juin 2020. De plus, les appelantes admettent que l’avis de convocation de cette assemblée ne dénonçait pas explicitement ce défaut. Ainsi, contrairement à ce que les appelantes prétendent, l’intimée ne peut avoir eu « toute latitude pour s’amender » si le défaut lui étant reproché n’a été porté à sa connaissance qu’au moment même de ce « retrait forcé des affaires » allégué. C’est d’ailleurs pourquoi la situation en l’espèce n’est aucunement similaire à celle qui prévalait dans l’arrêt Simard c. Claisse.
[29] Le procès-verbal de la rencontre confirme d’ailleurs que les reproches n’avaient pas été clairement dénoncés à l’intimée auparavant. Les représentants des appelantes ont aussi témoigné qu’il n’y avait pas eu d’avis écrit concernant la vente de masques lavables et de filtres. Dans ce contexte, le juge ne commet aucune erreur en constatant que l’avis de convocation ne mentionne pas le défaut relatif à la clause de non‑concurrence, ce qui fait en sorte que les appelantes n’ont pas respecté les conditions d’application de la clause de retrait forcé des affaires.
Référence : [2024] ABD 504[30] Partant, ce moyen d’appel doit être rejeté, de même que l’argument selon lequel le juge aurait erré en rejetant la demande de retrait forcé de l’intimée au motif que celle‑ci n’a pas contrevenu à la clause de non-concurrence, qui devient dès lors sans objet.
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