Renno Vathilakis Inc.
[100] Conformément à l’article 593 Cpc, à l’article 32 de la Loi sur le fonds d’aide aux actions collectives[32] et à la jurisprudence, il appartient au Tribunal d’approuver les honoraires et déboursés auxquels les avocats d’une partie demanderesse ont droit. Le Tribunal doit donc déterminer si les honoraires et déboursés proposés sont justes et raisonnables dans les circonstances.
[101] Voici l’état du droit sur la question des honoraires, tel que l’explique la Cour d’appel dans l’arrêt A.B. c. Clercs de Saint-Viateur du Canada (le Tribunal souligne) :
[50] La convention d’honoraires conclue par le représentant lie les membres de l’action collective. Son exécution demeure néanmoins sujette à l’approbation du tribunal. En vertu de l’art. 593 al. 2 C.p.c., le juge se voit en effet confier le rôle de s’assurer que les honoraires réclamés sont raisonnables et, en cas contraire, il l’autorise à les fixer « au montant qu’il indique ».
[51] La convention d’honoraires bénéficie d’une présomption de validité et ne peut être écartée que si son application n’est pas juste et raisonnable pour les membres « dans les circonstances de la transaction examinée ». Cependant, aux termes de l’art. 593 C.p.c., aucune convention d’honoraires ne lie le juge. Ainsi, s’il est vrai que le juge doit accorder un certain poids à l’expression de la volonté des parties, il doit néanmoins s’assurer que les honoraires réclamés sont effectivement justes et raisonnables. Le juge ne doit pas hésiter, en cas de besoin, « à réviser ces honoraires en fonction de leur valeur réelle, à les arbitrer et à les réduire s’ils sont inutiles, exagérés, ou hors de proportion » au regard de ce que les membres retirent de l’action collective. La tâche du juge est complexe, car il « recherche un équilibre idéal dans la rémunération : octroyer [aux] avocat[s] une somme nécessaire et suffisante pour [les] inciter à entreprendre le prochain dossier, tout en gardant en tête que les membres doivent être les premiers bénéficiaires des sommes payées par les défenderesses ».
[52] Le Code de procédure civile n’identifie pas les critères permettant de juger de la justesse et de la raisonnabilité des honoraires. L’art. 102 du Code de déontologie fournit toutefois des indications utiles à cet égard, en précisant que :
102. Les honoraires sont justes et raisonnables s’ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus. L’avocat tient notamment compte des facteurs suivants pour la fixation de ses honoraires:
102. The fees are fair and reasonable if they are warranted by the circumstances and proportionate to the professional services rendered. In determining his fees, the lawyer must in particular take the following factors into account:
1° l’expérience;
(1) experience;
2° le temps et l’effort requis et consacrés à l’affaire;
(2) the time and effort required and devoted to the matter;
3° la difficulté de l’affaire;
(3) the difficulty of the matter;
4° l’importance de l’affaire pour le client;
(4) the importance of the matter to the client;
5° la responsabilité assumée;
(5) the responsibility assumed;
6° la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence particulière ou une célérité exceptionnelle;
(6) the performance of unusual professional services or professional services requiring special skills or exceptional speed;
7° le résultat obtenu;
(7) the result obtained;
8° les honoraires prévus par la loi ou les règlements;
(8) the fees prescribed by statute or regulation; and
9° les débours, honoraires, commissions, ristournes, frais ou autres avantages qui sont ou seront payés par un tiers relativement au mandat que lui a confié le client.
(9) the disbursements, fees, commissions, rebates, costs or other benefits that are or will be paid by a third party with respect to the mandate the client gave him.
[53] La jurisprudence de la Cour confirme que ces facteurs sont pertinents à l’analyse que commande l’art. 593 C.p.c.. Évidemment, le poids respectif à leur accorder pourra varier selon les circonstances. Il est par ailleurs entendu que ces facteurs ne sont pas exhaustifs, comme l’indique l’emploi du terme « notamment » (« in particular ») à l’art. 102 du Code de déontologie.
[…][58] L’appelant et l’amicus curiae ont par ailleurs raison d’affirmer que la « fourchette » des pourcentages jugés raisonnables par les tribunaux se situe normalement entre 15 % à 33 % (ou même de 20 % à 33,33 %) du fonds de règlement . Il ne s’agit toutefois pas d’un automatisme. Comme le mentionne la Cour dans l’arrêt Skarstedt, « c'est à la lumière de chaque réclamation qu'un juge doit déterminer le caractère raisonnable des honoraires en vue de leur approbation ». C’est ainsi que les juges ont révisé à la baisse le pourcentage établi par les parties lorsque celui-ci paraissait exagéré par rapport au travail effectué par les avocats, au règlement relativement modeste du litige et aux honoraires professionnels qui auraient été facturés selon le modèle du taux horaire. La possibilité prévoit des pourcentages progressifs qui augmentent avec l’avancement du dossier peut être équitable en fonction du travail consacré au dossier. Par contre, une telle formule peut dissuader les avocats à régler tôt dans le processus, même lorsqu’un règlement rapide est dans le meilleur intérêt des membres. Des pourcentages peuvent aussi être dégressifs à partir de l’obtention d’un certain montant à titre de règlement, mais cela aussi peut aussi avoir une influence dissuasive sur les efforts des avocats. Bref, chaque cas en est un d’espèce. Il n’y a pas de formule magique qui peut en tout temps et en toute situation garantir que les honoraires seront raisonnables au final. Surtout, l’analyse ne peut se borner à vérifier si la convention d’honoraires prévoit un pourcentage se situant à l’intérieur d’une fourchette généralement appliquée .
[…][63] Comme mentionné ci-avant, une convention d’honoraires bénéficie d’une présomption de validité. Devant une telle présomption, l’analyse de la raisonnabilité des honoraires fixés par une convention à pourcentage devrait commencer avec l’application des critères autres que le temps consacré à l’affaire par les avocats. L’expérience nous enseigne que le montant d’honoraires payable en vertu d’une convention à pourcentage va souvent, sinon presque toujours, excéder le montant d’honoraires calculé sur la base du temps consacré à l’affaire multiplié par le ou les taux horaires applicables. Par conséquent, si l’analyse est axée sur les heures travaillées, le montant d’honoraires à payer risque toujours d’apparaître comme excessif ou déraisonnable. Ainsi, débuter l’analyse en prenant en compte les facteurs du temps et du taux horaire relève d’un raisonnement circulaire ou tautologique. En mettant de côté l’entente qui prévoit que les honoraires sont calculés sur la base d’un pourcentage et non en fonction du temps consacré au dossier, la conclusion que les honoraires sont déraisonnables est presque inévitable. Pour éviter cet écueil, le processus d’analyse devrait débuter par l’évaluation de tous les autres critères prévus dans le Code de déontologie et la prise en compte du risque assumé par les avocats. Si on en arrive à la conclusion que le montant (pas le pourcentage) d’honoraires payable est raisonnable, l’analyse peut s’arrêter dans l’exercice de la discrétion du juge. Par contre, si le montant d’honoraires semble déraisonnable, il convient dès lors de prendre en compte les heures consacrées au dossier et d’appliquer un facteur multiplicateur pour ajuster le montant des honoraires pour que celui-ci devienne raisonnable.[64] De simplement compter le nombre d’heures consacrées au dossier multiplié par les taux horaires applicables et d’appliquer un facteur multiplicateur de 2, 3, 4 ou même 5 est, dans mon opinion arbitraire, du moins à un certain degré. Le risque assumé au début du dossier n’est pas habilement traduit en chiffre, à savoir le facteur multiplicateur. Les facteurs ne tiennent pas compte des taux d’intérêt qu’un avocat peut être obligé d’assumer pendant qu’il finance l’action collective. Même si la méthode mesure le coût d’opportunité, elle ne sert pas à évaluer le risque dans les autres actions collectives payables à pourcentage que l’avocat accepte. Autrement dit, une saine gestion du risque implique l’acceptation de plusieurs mandats sachant qu’un certain nombre de causes seront probablement perdues et qu’ainsi, l’avocat se retrouvera sans aucune rémunération. D’ailleurs, le temps consacré au dossier dans ce type d’affaire est souvent secondaire dans l’analyse de la raisonnabilité des honoraires. Le risque assumé et le résultat obtenu devront normalement avoir préséance sachant que le poids à accorder à chaque facteur peut varier d’un cas à l’autre, selon les circonstances.
[102] Le Tribunal résume ainsi le droit applicable :
1) La convention d’honoraires bénéficie d’une présomption de validité et ne peut être écartée que si son application n’est pas juste et raisonnable pour les membres dans les circonstances de la transaction examinée;
2) Aucune convention d’honoraires ne lie le juge;
3) Les critères permettant de juger de la justesse et de la raisonnabilité des honoraires s’inspirent de ceux énumérés à l’article 102 du Code de déontologie des avocats[34], lesquels ne sont pas exhaustifs, à savoir : l’expérience; le temps et l’effort requis et consacrés à l’affaire; la difficulté de l’affaire; l’importance de l’affaire pour le client; la responsabilité assumée; la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence particulière ou une célérité exceptionnelle; le résultat obtenu; les honoraires prévus par la loi ou les règlements; les débours, honoraires, commissions, ristournes, frais ou autres avantages qui sont ou seront payés par un tiers relativement au mandat que lui a confié le client;
4) Le poids respectif à accorder à ces critères pourra varier selon les circonstances;
5) La fourchette des pourcentages jugés raisonnables par les tribunaux se situe normalement entre 15 % à 33 % (ou même de 20 % à 33,33 %) du fonds de règlement;
6) L’analyse par le Tribunal ne peut se borner à vérifier si la convention d’honoraires prévoit un pourcentage se situant à l’intérieur d’une fourchette généralement appliquée;
7) Le processus d’analyse doit plutôt débuter par : a) l’évaluation de tous les critères prévus dans le Code de déontologie des avocats, autres que celui du multiplicateur; et b) la prise en compte du risque assumé par les avocats. Si on en arrive à la conclusion que le montant (pas le pourcentage) d’honoraires payable est raisonnable, l’analyse peut s’arrêter là. Cependant, si le montant d’honoraires semble déraisonnable, il convient dès lors de prendre en compte les heures consacrées au dossier et d’appliquer un facteur multiplicateur pour ajuster le montant des honoraires pour que celui-ci devienne raisonnable.
Référence : [2024] ABD 15
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