mercredi 1 juin 2022

Les parties à un contrat peuvent moduler la définition de force majeure

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Court billet ce matin pour discuter de la force majeure en matière contractuelle. L'article 1470 C.c.Q. définit la force majeure en droit québécois, mais - comme le souligne l'Honorable juge Alicia Soldevila dans Ensyn Technologies inc. c. IMTT Québec inc. (2022 QCCS 1898) - les parties à un contrat sont libres de moduler ou modifier cette définition.


La juge Soldevila est saisie du recours de la Demanderesse, laquelle demande d'être excusée de ses obligations en vertu d'un contrat pour la location de trois réservoirs. Elle plaide être dans une situation de force majeure en raison d'une pénurie de carburant.

La Défenderesse, au contraire, fait valoir qu'il n'existe de pas de force majeure en l'instance et que la Demanderesse a failli à son fardeau d'établir celle-ci.

Avant d'analyser s'il existe effectivement un cas de force majeure, la juge Soldevila note que les parties ont modulé la définition de ce qu'est une force majeure pour les fins de leur contrat. Elle ajoute qu'une telle façon de faire est permise par le droit québécois:
[42] La clause de force majeure prévue par les parties à la clause 6.2 des charges et conditions de leur contrat circonscrit les circonstances pouvant donner ouverture à un événement de force majeure. 
[43] Il est établi, en jurisprudence et doctrine, que les parties à un contrat jouissent de la liberté contractuelle d’assouplir ou redéfinir la notion de force majeure prévue à l’article 1470 du Code civil du Québec. L’auteur Vincent Karim s’exprime ainsi: 
3800. Il importe d’abord de noter que la notion de « force majeure », telle que codifiée à l’article 1470 al. 2 C.c.Q., n’est pas d’ordre public et rien n’empêche que l’on puisse y retrancher ou y ajouter des éléments par une clause à cet effet dans un contrat. Les parties peuvent donc y déroger et ainsi assouplir les critères de cette définition en stipulant, par exemple, que certains événements constituent des causes d’exonération de responsabilité, même si les trois critères ne s’y trouvent pas réunis. (…)
[44] La Cour d’appel a reconnu, à titre d’exemple, que les conditions du marché pouvaient constituer un cas de force majeure, les parties l’ayant prévu ainsi au contrat dans l’affaire Entreprises Rioux & Nadeau inc. c. Société de récupération, d’exploitation et de développement forestier du Québec (Rexfor). 
[45] Dans le cadre du contrat sous étude, les parties ont convenu que la survenance de certains événements pouvait constituer un cas de force majeure. Pour se qualifier en ce sens, les parties ont également répété à deux reprises, dans la clause 6.2, en introduction et en conclusion ce qui suit :

”Force Majeure Event” means any of the following event or circumstance, to the extend not within the reasonable control of the party invoking a Force Majeure Event :
[46] S’ensuit une énumération de ce que les parties envisagent comme des situations se qualifiant au titre de la notion de force majeure. Plusieurs événements sont énumérés, dont celui de « fuel shortage ». On stipule également des événements reliés à : « failure or delay of manufacturers or persons from whom Depository is obtaining machinery, equipment, materials, or supplies to deliver the same of by any cause except lack of funds, beyond the reasonable control of the said parties ».

 Référence : [2022] ABD 215

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