mercredi 15 septembre 2021

La stipulation pour autrui implicite doit être claire et prépondérante

par Benjamin Dionne
Renno Vathilakis Inc.

Dans l’arrêt Maher c. Ville de Hudson (2021 QCCA 1063), l’appelante est propriétaire d’une résidence située sur le bord du lac Pine. En 2014, le barrage municipal qui retenait les eaux du lac a cédé, ce qui a causé des dommages à sa propriété.

L’appelante prétendait être bénéficiaire d’une stipulation pour autrui implicite découlant d’un contrat par lequel la ville intimée s’était portée acquéreure du lac Pine et du barrage, qu’elle avait convenu d’entretenir au moment de l’achat. La Cour d’appel devait déterminer si l’engagement de la ville envers le vendeur conférait aux propriétaires riverains un droit contractuel au maintien en bon état du barrage par la Ville.

En confirmant le jugement de la Cour supérieure, la Cour d’appel a précisé qu’une stipulation pour autrui peut être implicite. Toutefois, celle-ci doit être claire et prépondérante :

[15] Pour leur part, les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina insistent sur la nécessité que le contrat contienne une intention claire de créer un véritable droit en faveur d’un tiers, par opposition à l’octroi d’un simple bénéfice :

Il ne suffit pas que le contrat confère au tiers un certain bénéfice. L’acte doit aussi contenir une intention claire de créer un véritable droit en faveur du tiers, spécialement quand la stipulation n’est pas formulée dans des termes juridiques ou exprès.
[…]

[18] D’ailleurs, notre Cour a exprimé l’avis que « [l]’identification d’une intention claire et définitive des parties de favoriser un tiers est charnière ».

[19] C’est donc l’examen de cette intention qui permettra d’identifier la présence d’une stipulation pour autrui par opposition à l’octroi d’un simple bénéfice.

[20] Quant à la stipulation pour autrui implicite ou tacite, la jurisprudence se fait discrète. Je partage toutefois l’opinion des auteurs Lluelles et Moore selon laquelle rien dans notre droit n’empêche qu’une partie cocontractante soit tenue tacitement à l’égard d’un tiers sur la base de la loi, de l’usage, de l’équité ou la nature du contrat.

[21] Cela dit, quoiqu’une partie contractante puisse être tenue tacitement à l’égard d’un tiers, la stipulation implicite en faveur d’un tiers doit pouvoir être inférée de la preuve de façon claire et prépondérante.
Suivant ces conclusions légales, la Cour d’appel arrive ensuite à la conclusion que la preuve ne permet pas en l’espèce de conclure que le contrat entre la Ville et le vendeur avait pour intention de stipuler en faveur des riverains :
[44] Peut-on affirmer que la Municipalité (le promettant) s’est engagée de façon aussi claire envers les propriétaires riverains qui seraient, au même titre que le Club, des bénéficiaires du contrat? Les documents ne donnent pas suffisamment d’indices pour conclure de la sorte. Bien que la conservation du lac comme espace vert puisse, de façon générale, bénéficier aux propriétaires riverains, l’on ne peut affirmer que les parties ont eu l’intention claire de procurer un droit aux propriétaires riverains à l’entretien du barrage. La preuve dont nous disposons ne permet pas d’aller en ce sens.
Référence : [2021] ABD 368

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