jeudi 22 avril 2021

Un héritier a possiblement l'intérêt juridique pour demander une reddition de compte au mandataire du défunt

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le (ou les) liquidateur(s) d'une succession exerce les droits civils de la succession. C'est pourquoi on dira généralement que les héritiers n'ont pas l'intérêt juridique pour demander une reddition de compte à la personne qui a préalablement occupé la charge de mandataire au défunt. Or, cette règle n'est pas aussi absolue qu'on pourrait le croire. En effet, comme le souligne l'Honorable juge Daniel Dumais dans Francoeur c. Francoeur (2021 QCCS 1473), un héritier a possiblement l'intérêt juridique d'exiger une telle reddition de compte dans certaines circonstances.


Dans cette affaire, le Demandeur intente des procédures judiciaires par lesquelles il recherche - inter alia - une reddition de compte de la part du mandataire aux biens et à la personne de son père avant son décès. La difficulté réside dans le fait que le Demandeur n'est pas liquidateur de la succession de son père.

En raison de ce fait, le Défendeur et l'Intervenante présente une demande en irrecevabilité, alléguant que le Demandeur n'a pas l'intérêt juridique pour requérir une reddition de compte, recours qui appartient exclusivement au(x) liquidateur(s).

Après avoir rappelé la prudence qui doit guider un juge au stade de la demande en irrecevabilité, le juge Dumais en vient à la conclusion qu'il n'est pas face à une situation si claire que l'irrecevabilité doit être prononcée. Il ajoute qu'un héritier comme le Demandeur pourrait avoir l'intérêt juridique nécessaire pour requérir une reddition de compte:
[45] Deuxièmement, la jurisprudence laisse entrevoir, à première vue, la possibilité qu’un héritier puisse ester en justice dans un tel contexte même s’il n’est pas liquidateur. Le Tribunal ne peut ignorer les jugements rendus récemment à ce sujet, dont celui du soussigné dans Succession de Lapointe c. Boivin, confirmé par la Cour d’appel. 
[46] Troisièmement, Guy est partie à la transaction de novembre 2017. Cela lui confère possiblement un intérêt additionnel à celui de Donat selon ce que révèlera la preuve. À ce sujet, il convient de citer H & R. Transport Ltd c. 9171-5367 Québec inc.
[23] Le juge qui constate un désaccord entre les parties sur l’interprétation du contrat ne doit pas s’arrêter au sens littéral des mots utilisés, mais rechercher l’idée même que celles-ci voulaient exprimer: l’intention commune. Dans la mesure où la preuve démontre que la véritable et commune intention des parties diffère de celle que paraît exprimer le contrat, c’est cette intention qui doit prévaloir, même lorsque les termes du contrat sont clairs […]

[Références omises] 
[47] Certes, le texte énonce que les redditions seront faites au bénéfice de Donat. Cela enlève-t-il tout intérêt à Guy eu égard au contexte prévalant? Le Tribunal ne peut l’affirmer clairement à cette étape. 
[48] Quatrièmement, la mandataire Maryland a déjà fourni plusieurs éléments de redditions à Guy. Cela laisse entendre que ce dernier puisse y avoir droit. Cet élément n’est pas nécessairement décisif, mais il est difficile de ne lui donner aucune valeur sans une analyse plus complète.

Référence : [2021] ABD 159

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