vendredi 23 avril 2021

La production volontaire par un client d'un document protégé par le secret professionnel constitue une renonciation implicite à ce secret

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Comme nous l'avons déjà souligné, règle générale, c'est au juge du procès que revient la délicate tâche de déterminer si une renonciation implicite au secret professionnel a eu lieu. Certains cas sont par ailleurs d'une clarté manifeste, de sorte que nul besoin d'attendre au mérite pour se prononcer. C'est le cas d'une partie qui produit elle-même un document qu'elle allègue être couvert par le secret professionnel. C'est ce que souligne l'Honorable juge Claude Villeneuve dans l'affaire Dubé c. Vézina (2021 QCCS 1502).


L'affaire est inusité. 

Le juge Villeneuve est saisi de la demande du Défendeur de retirer du dossier un courriel qui a été produit en preuve par son ancien avocat au motif qu'il est couvert par le secret professionnel.

Si la question de la production accidentelle d'un document protégé par le secret professionnel est habituellement une question intéressante (voir notre billet du 22 juillet 2011 et notre billet du 19 novembre 2012 sur le sujet), celle-ci n'est pas pertinente en l'espèce. En effet, le juge Villeneuve note que le Défendeur a lui-même produit le document en preuve à plusieurs reprises, de sorte qu'il est manifeste qu'il a implicitement renoncé au secret professionnel:
[22] Tel qu’indiqué lors de l’instruction, le soussigné est d’avis que l’envoi non autorisé du Courriel est, en soi, une violation du secret professionnel de la part de Me Jodoin, parce qu’il a été transmis à la partie adverse et qu’il n’y a pas de preuve, à ce stade-ci des procédures, du consentement du défendeur malgré l’effet potentiellement préjudiciable du Courriel. De plus, il est établi qu’une entente à l’amiable mettant fin à un litige conclue hors du mandat du procureur d’une partie constitue, en soi, un préjudice. 
[23] Par contre, même si le tribunal doit assurer d’office le respect du secret professionnel et même si le secret professionnel doit être « aussi absolu que possible pour assurer la confiance du public et demeurer pertinent », celui-ci appartient néanmoins au client qui peut toujours y renoncer en toute connaissance de cause, même de façon tacite, comme dans la présente affaire. 
[24] En effet, le défendeur a lui-même introduit en preuve, à au moins deux reprises (par les pièces D-8 et D-10), une chaîne de courriels incluant le Courriel dont il demande maintenant l’exclusion. Comme la pièce D-10 n’est pas exclue du dossier, le défendeur ne peut se plaindre de la violation du secret professionnel puisqu’il y a manifestement renoncé en voulant lui-même se servir de la chaîne de courriels contre la demanderesse dans le présent dossier. 
[25] Tel que mentionné, il appartenait à la demanderesse de prouver qu’elle était en possession légitime du Courriel et que le défendeur avait renoncé au secret professionnel. Or, le Tribunal ne peut spéculer sur la stratégie du défendeur dans la présente affaire et sur les raisons qui l’ont incité à introduire lui-même en preuve cette pièce D-10 qui n’était absolument pas requise pour appuyer les avis de gestion. 
[26] Ceci suffit, en soi, à disposer de la demande d’exclusion du Courriel déposé comme pièce P-6.
Référence : [2021] ABD 162

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