mercredi 1 avril 2020

N'est pas irréparable pour les fins d'une injonction le préjudice que l'entente contractuelle prévoit déjà qu'il sera compensé par l'attribution de dommages

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

S'il est vrai que l'exécution en nature est la règle en droit québécois, reste que les tribunaux québécois ne considère pas tous les bris contractuels allégués comme étant un préjudice irréparable pour les fins d'une injonction. En effet, il existe des situations où l'attribution de dommages compensera complètement le préjudice allégué par la partie demanderesse, de sorte que les critères de l'injonction provisoire ou interlocutoire ne seront pas satisfaits. La décision récente de l'Honorable juge Élise Poisson dans Groupe Sidney Santé inc. c. Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière (2020 QCCS 1068) en est un bel exemple.



Dans cette affaire, la Demanderesse recherche l'émission d'une ordonnance d'injonction provisoire pour faire suspendre l'avis de résiliation pour motifs sérieux du le contrat de service la liant à la Défenderesse pour l’exploitation du Centre d’hébergement pour adultes en perte d'autonomie.

La Demanderesse conteste les motifs invoqués dans l'avis et fait valoir qu'il s'agit de l'exercice abusif du droit de la Défenderesse à la résiliation du contrat. La Défenderesse s'oppose à cette demande pour plusieurs motifs, dont le fait que le contrat prévoit expressément que le remède approprié est l'octroi de dommages. 

Dans ce contexte, la juge Poisson indique que le critère du préjudice irréparable n'est pas satisfait puisqu'un jugement au mérite octroyant des dommages donnerait à la Demanderesse la totalité de ce à quoi elle a droit:
[46] Le préjudice sérieux ou irréparable allégué par Groupe Sidney résulte des con­séquences financières découlant de la résiliation intempestive de l’Entente particulière, de son incapacité à céder l’entente à un tiers et des difficultés éventuelles qu’il pourrait éprouver pour la conclusion de nouvelles ententes, à titre de ressource intermédiaire, en raison de la résiliation, avant terme, de l’Entente particulière. 
[47] Quant au préjudice financier découlant de la résiliation intempestive de l’Entente particulière allégué par Groupe Sidney, il peut être valablement compensé par l’octroi de dommages-intérêts, tel que spécifiquement prévu à la clause 6 de la lettre d’entente numéro IV, faisant partie de l’Entente nationale. 
[48] Il importe de rappeler que les parties ont spécifiquement convenu, dans les ententes les liant, que la résiliation de l’Entente particulière, pour un motif qui ne s’avère pas sérieux, doit être compensée par l’octroi de dommages-intérêts.  
[49] Dans ce contexte, le préjudice subi à la suite de la transmission de l’avis de résiliation, bien qu’il puisse être significatif, n’est pas sérieux ou irréparable, au sens requis pour l’émission d’une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire.
Référence : [2020] ABD 132

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