samedi 14 mars 2020

Par Expert: dans certaines circonstances, il est approprié d'accorder les frais d'experts à la partie perdante

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Le juge de première instance saisi d'une affaire jouit d'une large discrétion en matière de frais de justice et de frais d'expertise. Cela veut dire que même la partie perdante se verra accorder le remboursement de ses frais d'expertise dans certaines circonstances si le travail de l'expert est jugé pertinent. La décision de la Cour d'appel dans Syndic de Dupuis (2020 QCCA 379) illustre ce propos.



Dans cette affaire, les Appelants se pourvoient à l'encontre d'un jugement de première instance qui a rejeté leur recours en raison de l'absence d'intérêt pour agir et de la chose jugée. Nonobstant ce qui précède, le juge de première instance s'est également prononcé en partie sur le fond de l'affaire. La réclamation des Appelants alléguait que l'Intimée avait abusé de ses droits et imposé un taux criminel d'intérêt dans le cadre de contrats de prêt.

À l'égard de cette dernière question, le juge de première instance retient la thèse de l'expert des Appelants. 

Finalement, le juge de première instance rejette le recours sans frais au motif que l'Intimée aurait dû demander le rejet du recours plus tôt.

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Gagnon, Mainville et Gagné rejette l'appel des Appelants, hormis sur la question des frais d'experts. Ayant conclu que le témoignage de l'expert était pertinent et celui-ci n'ayant témoigné que parce que l'Intimée a tardé à demander le rejet du recours, le juge de première instance aurait dû ordonner le remboursement des honoraires d'experts des Appelants:
[50] Bien que la règle générale soit que la partie qui succombe supporte les frais de justice, l’article 340 du Code de procédure civile permet au juge d’en déroger. La Cour n’interviendra que si la dérogation à la règle générale crée une injustice réelle et manifeste ou encore est fondée sur des considérations erronées, ou s’il est établi que le juge a commis une erreur de droit ou une erreur manifeste dans son appréciation des faits. 
[51] Il n’y a pas lieu d’intervenir dans la décision du juge de première instance d’exempter les appelants des frais de justice en première instance puisque Capital Transit ne nous convainc pas qu’il y aurait là une erreur du juge. Cela étant, le raisonnement du juge quant aux frais de justice aurait dû le conduire à ordonner à Capital Transit de rembourser aux appelants les frais de leur expertise. En effet, les appelants n’auraient pas fait témoigner leur expert si la question de l’irrecevabilité de leurs demandes quant aux prêts avait été soulevée avec diligence. De plus, l’expertise produite par les appelants fut jugée pertinente par le juge. Tenant compte du raisonnement du juge quant aux frais de justice et des circonstances très particulières du litige, nous sommes d’avis que le juge aurait dû ordonner à Capital Transit d’assumer les coûts encourus par les appelants pour cette expertise.
Référence : [2020] ABD Expert 11

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