jeudi 26 mars 2020

On ne peut opposer une contre-lettre à une personne qui n'y est pas partie

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Contrairement à ce que plusieurs personnes peuvent penser, il n'y a rien de fondamentalement illicite à convenir d'une contre-lettre. En fait, les articles 1451 et 1452 C.c.Q. en prévoient expressément la possibilité. Cela ne veut pas dire cependant qu'un tel procédé soit sans risque, puisqu'on ne peut opposer une contre-lettre à un tiers. C'est ce que rappelle l'Honorable juge Louis-Paul Cullen dans Fournier c. Pelletier (2020 QCCS 984).


Dans cette affaire, le Demandeur s'adresse à la Cour pour mettre fin à l'indivision pour un immeuble dont il est copropriétaire avec le Défendeur en vertu du droit de retrait prévu à l'article 1022 C.c.Q. Le Défendeur conteste cette demande et réclame une indemnité en raison de l’occupation exclusive de cet immeuble par le Demandeur. 

L'exercice du droit de retrait prévu à l'article 1022 C.c.Q. nécessite la détermination du prix payé par le Défendeur pour sa part. Le Demandeur se base sur l'acte notarié qui constate l'achat par le Défendeur de sa part. 

Le Défendeur invoque cependant une contre-lettre et plaide que l'acte notarié ne reflète pas le véritable prix d'achat. La question se pose donc de savoir si le Défendeur peut opposer cette contre-lettre.

Se basant sur l'article 1452 C.c.Q., le juge Cullen indique que le Défendeur ne peut opposer la contre-lettre au Demandeur, qui n'y est pas partie. Ce dernier peut choisir d'invoquer le contrat apparent ou la contre-lettre:
[215] Le contrat notarié P-2 constate une vente.  
[216] La validité de cet acte authentique est présumée.  
[217] Le défendeur devait recourir à la procédure d’inscription de faux pour contredire un fait que le notaire avait pour mission de constater, dont les déclarations des parties qui se rapportent directement à l’acte juridique qu’il renferme.  
[218] Les déclarations des parties relativement au prix se rapportent directement à cet acte juridique.  
[219] Le défendeur n’a pas procédé par inscription de faux. Il n’est pas admis à soutenir à l’encontre d’une personne n’ayant pas signé ce contrat – tel le demandeur - que son contenu n’est pas conforme à la réalité.  
[220] Puisque madame Labonté confirme expressément dans le contrat notarié P-2 qu’elle a déjà reçu le prix de la vente ainsi que les autres bonnes et valables considérations convenues et qu’elle consent en faveur du défendeur une « quittance totale et finale » à cet égard, ce dernier ne peut exiger du demandeur le remboursement d’un prix de vente supérieur à ce que le contrat P-2 indique.  
[221] De plus, le défendeur ne peut opposer au demandeur une contre-lettre (P-8, p. 4 et D-1, p. 1) à laquelle le demandeur n’est pas partie.  
[222] Par conséquent, le défendeur n’est pas admis à prétendre qu’il a payé plus de 15 000 $ pour acheter sa moitié de l’Immeuble.
Référence : [2020] ABD 124

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