mercredi 21 août 2019

Pour invoquer la compensation judiciaire, la partie défenderesse doit déposer une demande reconventionnelle

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

En pratique, l'on parle trop souvent de la compensation comme mode d'extinction d'une obligation, sans faire la distinction entre la compensation légale et la compensation judiciaire. Pourtant, cette distinction a des conséquences pratiques importantes, puisque si la première s'opère automatiquement, la deuxième nécessite le dépôt d'une demande reconventionnelle. C'est ce que rappelle la Cour d'appel dans l'affaire 9212-4320 Québec inc. c. Dubois (2019 QCCA 1379).



L’Appelante incidente se pourvoit à l'encontre d'un jugement de la Cour supérieure qui a accueilli sa demande introductive d’instance, condamné l’Intimé incident à lui payer 23 255 $ et 62 000 $ en lien avec deux contrats distincts, l'a condamné à payer 20 000 $ à M. Dubois et opéré compensation entre le montant de 62 000 $ et le montant de 20 000 $.

L'Appelante incidente fait valoir que la juge de première instance a commis une erreur en opérant compensation alors que l'Intimé incident n'avait pas déposé de demande reconventionnelle en première instance. 

Une formation unanime de la Cour composée des Honorables juges Ruel, Gagné et Cotnam donne raison à l'Appelante incidente. La Cour rappelle que si la compensation légale s'opère automatiquement, la compensation judiciaire, elle, nécessite le dépôt d'une demande reconventionnelle. Or, puisque les critères de la compensation légale ne sont pas satisfaits en l'instance, la juge de première instance ne pouvait prononcer compensation en l'absence de demande reconventionnelle:
[10] Rappelons que la compensation est une cause d’extinction de l’obligation qui opère lorsque deux personnes sont mutuellement débitrices l’une de l’autre, et ce, jusqu’à concurrence de la dette la moins importante. Cette compensation peut être conventionnelle (ce n’est pas le cas en l’espèce), judiciaire ou légale. 
[11] La compensation légale prévue à l’article 1673 al. 1 C.c.Q. s’opère de plein droit lorsque les quatre conditions suivantes sont réunies : les dettes sont l’une et l’autre certaines, liquides, exigibles et ont pour objet une somme d’argent ou des biens fongibles de même espèce. Le tribunal ne fait alors que constater le respect de ces conditions et accueille la défense soulevant l’effet extinctif de la compensation, et ce, même en l’absence de demande reconventionnelle. 
[12] Lorsque les conditions pour qu’il y ait compensation légale ne sont pas réunies, une partie peut demander au tribunal de procéder à une compensation judiciaire en vertu de l’article 1673 al. 2 C.c.Q. Une demande reconventionnelle est alors nécessaire afin de permettre au juge de liquider la dette et d’opérer compensation. 
[13] En l’espèce, les conditions de la compensation légale ne sont pas satisfaites puisque la créance de M. Dubois n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible. En l’absence d’une demande reconventionnelle, la juge ne pouvait procéder à une compensation judiciaire, d’autant plus que, selon le témoignage de M. Dubois et l’admission contenue à sa défense, le préjudice n’a pas été subi par lui, mais par L’Entrepôt Du Bois, laquelle n’est pas partie à l’instance.
Référence : [2019] ABD 334

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