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L'époque où il suffisait pour une personne accusée d'une infraction ou un acte criminel d'invoquer la protection de son droit à la défense pleine et entière pour obtenir la suspension de procédures civiles est depuis longtemps révolue. Comme le souligne l'Honorable juge Pierre Nollet dans l'affaire Ville de Montréal c. Consultants Aecom inc. (2018 QCCS 5470), celui qui demande la suspension de l'instance civile devra faire la démonstration d'un risque spécifique qui lui est unique pour convaincre la Cour.
Dans cette affaire, un des Défendeurs demande la suspension des instances civiles contre lui au motif que la continuation de celles-ci le privera de son droit à une défense pleine et entière dans
un dossier criminel faisant appel aux mêmes évènements, mêmes témoins et
plusieurs éléments similaires de la preuve documentaire. Il allègue aussi être
limité pour sa défense dans les dossiers civils puisqu’il a un interdit de
contact avec plusieurs acteurs qui pourraient être des témoins dans le procès
civil et un engagement de confidentialité quant à la preuve divulguée avant
procès.
Finalement, le Défendeur fait valoir qu'il découle d'une saine administration de la justice de prononcer la suspension en raison du risque de jugements contradictoires et de la duplication.
Saisi de cette demande, le juge Nollet souligne que les motifs invoqués sont loin d'être suffisants. En effet, il souligne que le criminel ne tient pas le civil en état et que le Défendeur doit convaincre la Cour d'un risque spécifique qui lui est unique, et non pas simplement invoquer une possible atteinte générale à son droit à une défense pleine et entière:
[18] De cet article découle la maxime suivante : « Le criminel ne tient pas le civil en état.»
[19] L’article 15 de la Loi en vertu de laquelle M. Zampino est poursuivi prévoit que toute « demande adressée à un tribunal ou à un juge en son cabinet en application du présent chapitre [le chapitre III intitulé Règles particulières applicables aux recours judiciaires] est instruite et jugée d’urgence »[Le Tribunal souligne].
[20] Pour obtenir une suspension de l’instance, M. Zampino doit démontrer que ses droits fondamentaux à une défense pleine et entière seront nécessairement menacés ou compromis.
[21] Les articles 285 C.p.c., 5 de la Loi sur la preuve au Canada, 13 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’article 38 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne protègent les droits fondamentaux de M. Zampino.
[22] M. Zampino est protégé dans son dossier criminel contre l’utilisation directe de la preuve recueillie dans le dossier civil.
[23] Bien que M. Zampino n’en ait demandé aucune, il est possible avec certaines ordonnances de protéger un accusé contre l'utilisation de la preuve dérivée.
[24] Il n’y a aucune démonstration que les recours civils visent ou servent essentiellement à recueillir des éléments de preuve qui permettront de poursuivre M. Zampino. Montréal est entièrement indépendante du DPCP.
[25] La jurisprudence précise que celui qui demande la suspension doit faire la démonstration d’un risque spécifique, qui lui est unique. Si l’accusé ne peut énoncer que des généralités qui soient applicables en toutes circonstances lorsqu’il y a une instance criminelle et une instance civile concurrente, il ne remplit pas son fardeau de démonstration d’un risque de procès inéquitable au criminel.
[26] La simple possibilité de dévoilement de la défense n’est pas en soi suffisante et ne confère pas aux circonstances un caractère exceptionnel nécessaire à la suspension.
Référence : [2019] ABD 1
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