dimanche 21 janvier 2018

Dimanches rétro: les enseignements de la Cour suprême en matière de captation... en 1907

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Aujourd'hui, les Dimanches rétro remontent plus d'un siècle en arrière pour traiter des enseignements de la Cour suprême du Canada en matière de captation. En effet, nous traitons de l'affaire Mayrand v. Dussault ((1907) 38 SCR 460), où la Cour décrivait les caractéristiques et le fardeau de la preuve applicable à la captation.


Dans cette affaire, la Cour était saisie d'un pourvoi à l'encontre d'une décision de première instance qui a conclu à la validité d'un testament. L'Appelante fait valoir que c'est à tort que le juge de première instance a rejeté ses arguments quant à la nullité du testament, et spécifiquement à l'égard de la captation.

C'est ce qui amène la Cour suprême à définir la captation. L'Honorable juge Girouard - au nom d'une formation unanime - donne la définition suivante:
La suggestion et la captation ou l'influence indue, c'est-à-dire la fraude, doivent être prouvées comme dans les cas ordinaires, c'est-à-dire, par preuve directe verbale ou écrite, ou par des présomptions. (Fuzier-Herman, codes annotés, art. 901, t. 2, n. 108, 109.) C'est généralement par ce dernier mode de preuve que l'on procède pour découvrir les menées frauduleuses toujours conduites dans le secret. (C.C. art. 839, 993.) Les auteurs et les tribunaux ont posé certaines règles qui servent de guide. Baudry-La-cantinerie, Précis, t. 2, n. 774, nous dit que le dol existera et la captation ou la suggestion deviendra une cause de nullité si, par exemple, le donataire a calomnié les héritiers présomptifs du donateur, ou si, par de détestables artifices, il a irrité le donateur contre ses parents, dans le but de se faire donner ce qui aurait dû légitimement leur revenir. Laurent, vol. 11, n. 132, ajoute que la suggestion suppose que celui qui suggère le fait dans son intérêt et en abusant de l'influence qu'il a sur l'esprit et la volonté du testateur. Puis, au n: 134, il cite avec approbation un arrêt de la cour d'Aix où les moyens de captation sont analysés. Ils varient peu, d'après cet arrêt; ils sont pour ainsi dire stéréotypés. Le légataire a, recours à la ruse, au mensonge, aux plus odieuses calomnies contre l'héritier présomptif du testateur, cherchant à lui enlever son affection pour lui ravir plus sûrement son héritage. On dénonce, ajoute Laurent, citant d'autres arrêts, les héritiers présomptifs comme ingrats et méchants, impatients de saisir une fortune qui tarde trop à leur échoir. Enfin Laurent, n. 135, conclut:
Un fait dont les tribunaux doivent tenir compte, c'est le poison de la calomnie que des mains perfides versent goutte à goutte dans l'esprit du vieillard.
Marcadé, t. 3, art. 901, page 407:
Mais si la captation ou la suggestion sont frauduleuses; si l'on n'a fait adopter que par le mensonge et l'astuce la résolution qui dépouille les héritiers; si c'est par de coupables manœuvres, par d'indignes inventions, par de fausses apparences qu'on est parvenu à perdre les héritiers dans l'esprit de leur parent et à y prendre leur place, alors on peut dire que l'acte de libéralité n'est pas l'expression exacte de la volonté libre et vraie du disposant, mais bien plutôt l'expression de la volonté de celui qui l'a fait faire.
Le droit anglais a toujours été très jaloux de la liberté entière et éclairée requise pour tester. En 1838, dans Barry v. Butlin, le conseil privé a rendu une décision dont l'autorité n'a jamais été mise en doute et qui a été souvent invoquée depuis comme faisant loi, particulièrement dans Fulton v. Andrew (1875); Brown v. Fisher (1890). 
Lord Hatherly disait dans Barry v. Butlin(1):
A matter which appears to me deserving of some remark and upon which the Lord Chancellor has already fully commented is the supposed existence of a rigid rule by which when you are once satisfied that a testator of a competent mind has had his will read over to him and has thereupon executed it, all further inquiry is shut out. No doubt these circumstances afford very grave and strong presumption that the will has been duly and properly executed by the testator. 
Still circumstances may exist which may require that something further shall be done in the matter than the mere establishment of the fact of the testator having been a person of sound mind and memory and also having read over to him that which had been prepared for him and which he executed as his will. It is impossible, as it appears to me, in the cases where the ingredient of fraud enters to lay down any clear and unyielding rule like this.
Et plus loin, Lord Hatherly conclut:
There is one rule which has always been laid down by the courts having to deal with wills and that is that a person who is instrumental in the framing of a will and who obtains a bounty by that will is placed in a different position from other ordinary legatees who are not called upon to substantiate the truth and honesty of the transaction as regards their legacies. It is enough in their case that the will was read over to the testator and that he was of sound mind and memory and capable of comprehending it. But there is a farther onus upon those who take for their own benefit after having been instrumental in preparing or obtaining a will. They have thrown upon them the onus of shewing the righteousness of the transaction.
Référence : [2018] ABD Rétro 3

Aucun commentaire:

Publier un commentaire

Notre équipe vous encourage fortement à partager avec nous et nos lecteurs vos commentaires et impressions afin d'alimenter les discussions à propos de nos billets. Cependant, afin d'éviter les abus et les dérapages, veuillez noter que tout commentaire devra être approuvé par un modérateur avant d'être publié et que nous conservons l'entière discrétion de ne pas publier tout commentaire jugé inapproprié.