dimanche 28 janvier 2018

Dimanches rétro: l'enregistrement d'un nom d'affaires ne donne pas de droits à l'encontre de l'entreprise qui utilisait déjà auparavant ledit nom

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'enregistrement d'un nom d'affaires - bien que fortement recommandé - n'a pas l'effet ou la portée que plusieurs lui donnent. En effet, cet enregistrement n'est pas une preuve irréfragable du droit d'utiliser ce nom si celui-ci - ou un nom similaire qui pourrait porter à confusion - est déjà utilisé par une autre entreprise. C'est ce que soulignait la Cour suprême du Canada en 1965 dans l'affaire Martel c. Filion ([1965] RCS 349).



Dans cette affaire, la Cour était saisie d'un jugement de la Cour du Banc de la Reine du Québec, qui avait lui-même infirmé le jugement de première instance qui avait rejeté la déclaration d'enregistrement de nom d'affaires de l'Intimé.

L'Intimé exploitait un service de transport entre Montréal et St-Hyacinthe sous la raison sociale de « Acton Vale Transport » et avait enregistré cette raison sociale au district de St-Hyacinthe en 1939. Pour sa part, l'Appelant exploitait un service de transport similaire à Montréal et St-Hyacinthe et, en dépit du fait qu'il savait depuis 1940 que l'Intimé faisait usage de cette raison sociale, enregistra cette même raison sociale au district de Montréal en 1953. 

Ce n'est qu'en 1958 que l'Intimé procède à l'enregistrement de son nom dans le district de Montréal. 

L'Appelant intenta des procédures en première instance en vertu de la défunte Loi des déclarations des compagnies et des sociétés demandant l'annulation de la déclaration produite par l'Intimé en 1958 à Montréal. 

La Cour supérieure a accueilli la requête, mais cette décision a été infirmée par un jugement majoritaire de la Cour d'appel. 

La Cour suprême - dans une décision unanime - confirme la décision de la Cour d'appel. Au nom de la Cour, l'Honorable juge Abbott souligne que ce qui importe n'est pas la date d'enregistrement, mais plutôt la date de début d'utilisation:
La question à résoudre est celle-ci. Qui a droit au recours de l'art. 13 de la loi susdite? Cet article se lit:
Aucune déclaration prescrite par la présente section ne peut être enregistrée si une personne ou une société y prend un nom, un titre ou une raison sociale qui est la désignation d'une société existante ou d'une autre personne, ou qui y ressemble tellement que le public peut être induit en erreur. 
Tout enregistrement fait contrairement aux dispositions du présent article peut être annulé par la Cour Supérieure du district sur requête, après avis donné aux intéressés et au protonotaire.
Je partage l'avis exprimé par monsieur le Juge en Chef Tremblay que la protection des tiers est le seul but poursuivi par cette loi et je fais mienne sa conclusion, qui suit:
Elle stipule l'enregistrement pour permettre aux tiers de découvrir facilement les personnes, morales ou physiques, avec lesquelles ils font affaires. Toujours sous la même réserve quant à la société en commandite, je ne crois pas qu'elle ait pour effet de créer aucun droit en faveur de la personne qui effectue l'enregistrement. En effet, l'article 13 prohibe non pas l'enregistrement d'un nom, d'un titre ou d'une raison sociale déjà enregistré, mais l'enregistrement d'un nom, d'un titre ou d'une raison sociale « qui est la désignation d'une société existante ou d'une autre personne, ou qui y ressemble tellement que le public peut être induit en erreur ».
La preuve établit clairement que Filion faisait affaires sous le nom « Acton Vale Transport » depuis plusieurs années quand Martel a enregistré ce même nom à Montréal en 1953, et cela à la connaissance de ce dernier. Martel a alors pris un nom qui est la désignation d'une autre personne. Par conséquent, il ne peut avoir le droit de demander par requête, en vertu de l'art. 13, l'annulation de l'enregistrement effectué par Filion le 7 juillet 1958 au bureau du Protonotaire du district de Montréal.
Référence : [2018] ABD Rétro 4

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