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Pour les fins de notre dernier billet régulier de l'année, faisons un rappel utile quant aux principes qui sous-tendent l'irrecevabilité ou le rejet d'action pour cause de prescription. En effet, comme le souligne l'Honorable juge Michel A. Pinsonnault dans Jacques c. Société de transport de Montréal (2017 QCCS 5743), ce n'est que dans les cas sans équivoque que le rejet préliminaire pour cause de prescription est possible.
Dans cette affaire, le Demandeur intente une Demande introductive d'instance en injonction permanente et pour l'émission d'une injonction interlocutoire, par laquelle il demande à la Cour d'ordonner aux quatre Défenderesses de procéder à un transfert d'une part de son fonds de retraite. Il y a quelques mois, le Demandeur modifie son recours pour y ajouter des allégations relatives à certains échanges avec les représentants de deux des Défenderesses.
Or, une des Défenderesses - Desjardins - recherche le rejet préliminaire du recours pour cause de prescription. Elle allègue que le Demandeur sait depuis l’été 2011 que le transfert demandé est impossible.
C'est dans ce contexte que le juge Pinsonnault rappelle que le rejet préliminaire d'un recours pour cause de prescription n'est possible que dans les cas clairs où aucune preuve sur la question n'est nécessaire:
[14] Il est maintenant bien reconnu qu’au stade d’une demande de rejet en cours d’instance, la prudence est de mise en toute matière. La Cour d’appel a maintes fois rappelé qu’il fallait éviter de mettre fin prématurément à un litige sans le bénéfice d’un débat contradictoire et, qu’en cas de doute, il fallait donner l’opportunité au demandeur d’être entendu sur le fond.
[15] Qui plus est, en présence d’une demande de rejet en matière de prescription, on peut lire dans le jugement du juge Jacques A. Léger de la Cour d’appel, siégeant alors seul dans BPR-Bechtel inc. c. Commission des normes du travail, les mentions suivantes :
[11] Sur sa décision de rejeter la requête en irrecevabilité présentée par la requérante, le juge [de première instance] écrit :
[16] La Cour suprême du Canada a récemment rappelé que lorsque la prescription est invoquée pour rejeter une action et que ce litige soulève des questions de faits qui ne peuvent être résolues à la lecture du dossier, c'est au juge du procès de décider du point de départ du délai de prescription et si ce délai a été suspendu.
[…]
[19] Pour qu'un recours en irrecevabilité soit accueilli au stade préliminaire, la prescription invoquée doit donc apparaître de façon claire et précise sans qu'il soit nécessaire d'interpréter avec subtilité les nuances de la jurisprudence et de la loi qui s'applique.
[Soulignements et caractères gras ajoutés, références omises]
[16] Dans ce jugement, le juge Léger a rejeté la requête pour permission d’en appeler du jugement de la Cour supérieure qui avait rejeté la requête en irrecevabilité de l’appelante en formulant les commentaires additionnels suivants :
[14] L'argument invoqué par l’appelante d'un procès inutilement long et complexe, vu le nombre d'employés que représente l'intimée, est essentiellement un argument théorique. Au demeurant, il n'est pas convaincant si on le compare au grave préjudice que représenterait un rejet prématuré de l'action que l'intimée a intentée au profit des anciens employés de la requérante, dans le cadre duquel elle soutient qu'ils ont fait l'objet d'un licenciement collectif.
[15] Rien ne justifie en l'espèce que la Cour se prononce immédiatement sur la question de prescription soulevée par la requérante, les fins de la justice ne l'exigeant pas (art. 511 C.p.c.).
[16] Finalement, tel que déjà souligné, la requête en irrecevabilité soulève pour l'essentiel des faits qui permettraient de conclure à la prescription extinctive contre certaines des réclamations. Le juge a estimé, à bon droit, qu'il revenait au juge du procès d'évaluer la preuve pour décider en dernière analyse si les circonstances de l'espèce permettent de conclure que la prescription est acquise à l'endroit de certains des employés identifiés par la requérante; ou encore de conclure que possiblement, elle a été suspendue envers eux en raison des circonstances de l'espèce, notamment eu égard aux particularités de la Loi sur les normes du travail.
[17] Bref, la requérante ne m'a pas démontré en quoi le jugement interlocutoire dont elle veut se pourvoir rencontre les critères de l'article 29, et partant n'est pas appelable à ce stade.
[Soulignements et caractères gras ajoutés]
Puisque le juge Pinsonnault ne retrouve pas cette clarté en l'instance, il met de côté la requête en rejet.
Référence : [2017] ABD 520
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