lundi 7 août 2017

Le dépôt - lors de la plaidoirie - de dispositions d'une loi étrangère ne suffit pas pour faire la preuve du droit étranger en vertu de l'article 2809 C.c.Q.

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

L'article 2809 C.c.Q. prévoit que le tribunal québécois peut "prendre connaissance d’office du droit des autres provinces ou territoires du Canada et du droit d’un État étranger, pourvu qu’il ait été allégué. Il peut aussi demander que la preuve en soit faite, laquelle peut l’être, entre autres, par le témoignage d’un expert ou par la production d’un certificat établi par un jurisconsulte". Selon la décision rendue dans l'affaire récente de Bard c. Appel (2017 QCCA 1150), cette disposition implique qu'il faut impérativement alléguer le droit étranger qu'on entend plaider afin de permettre à la Cour de demander que la preuve du droit étranger soit faite, si elle l'estime nécessaire. Ainsi, on ne peut simplement plaider le droit étranger en plaidoirie.



Dans cette affaire, la Cour est saisie d'un pourvoi à l'encontre d'un jugement de première instance qui en est venu à la conclusion que le droit d'homologuer une sentence arbitrale rendue en Floride est maintenant prescrit.

Le juge de première instance - l'Honorable juge Louis J. Gouin - en est venu à la conclusion qu'il fallait appliquer le délai de prescription québécois de 10 ans puisque le droit de la Floride n'avait pas été allégué ou prouvé. Ce faisant, il a conclu que le simple dépôt en plaidoirie des dispositions de droit floridien ne remplissait pas les exigences de l'article 2809 C.c.Q. Le juge de première instance s'exprime ainsi dans Bard c. Appel (2015 QCCS 4752):
[19]        Les Demandeurs n’ont pas allégué, ni prouvé, le droit de l’État de Floride relatif à la prescription qui serait, selon l’argumentation soumise par leurs procureurs, applicable en l’espèce. Ils ont plutôt allégué la loi de l’État de New York. 
[20]        Par ailleurs, il ne suffit pas de tout simplement déposer, par le biais de ses procureurs lors de l’argumentation, comme l’ont fait les Demandeurs, un exemplaire d’une loi de l’État de Floride, qui serait peut-être applicable, pour en faire la preuve. 
[21]        Encore faut-il l’avoir allégué, permettant ainsi au Tribunal, s’il le demande, que la preuve en soit faite, entre autres, par le témoignage d’un expert ou par la production d’un certificat établi par un jurisconsulte, conformément à l’article 2809 C.c.Q. 
[22]        Dans le présent cas, le Tribunal n’a même pas eu l’opportunité de demander une telle preuve, afin de lui permettre d’apprécier adéquatement la loi étrangère, avec tous ses tenants et aboutissants.
Au nom d'une formation unanime de la Cour d'appel, l'Honorable juge Manon Savard en vient à la conclusion que le juge de première instance s'est bien dirigé sur la question:
[20]        Cette proposition se heurte une nouvelle fois à l’absence d’allégation et de preuve du droit en vigueur dans l’État de Floride, notamment quant à la nécessité et la portée du Jugement non libératoire – 2 de Floride. Le simple dépôt en première instance, lors des plaidoiries, de la disposition législative qu’on soutient être applicable aux faits de l’espèce n’est pas suffisant aux fins de l’article 2809 C.c.Q., comme le souligne le juge de première instance (paragr. 20-21). Les appelants ne démontrent pas que celui-ci a erré sur cette question.
Référence : [2017] ABD 312

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