jeudi 6 juillet 2017

Le jugement rendu sur une demande d'amendement n'est pas un jugement de gestion de l'instance

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Qu'est-ce qu'un jugement de gestion de l'instance par opposition au simple jugement rendu sur une question de procédure? Avant l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile, la question n'avait qu'un intérêt théorique. Cependant, l'existence de normes différentes pour la permission d'en appeler prévues aux articles 31 et 32 C.p.c. fait maintenant en sorte que la question prend une importance accrue. Dans l'affaire Eljouni c. Daneau (2017 QCCA 1037), l'Honorable juge Marie-France Bich en vient à la conclusion que le jugement rendu sur une demande d'amendement n'est pas un jugement de gestion d'instance, de sorte que la permission d'en appeler est régie par l'article 31 C.p.c.



Les Requérants dans cette affaire recherchent la permission d'en appeler d'un jugement qui a rejeté leur demande d'amendement.

Saisie de cette demande, la juge Bich doit d'abord déterminer quelle disposition régie la demande de permission d'en appeler. À ce chapitre, elle en vient à la conclusion que le jugement qui se prononce sur un amendement proposé n'est pas un jugement de gestion de l'instance:
[5]         Considérant les enseignements de la Cour en matière de modification des actes de procédure, j’estime que la requête répond aux exigences de l’art. 31 C.p.c., disposition applicable en l’espèce.  
[6]         Je note au passage que, à mon avis, ce n’est pas l’art. 32 C.p.c. qui régit la requête. Tout d’abord, cette disposition s’applique aux incidents qui y sont expressément mentionnés, lesquels n’incluent pas le débat sur la modification d’un acte de procédure (du moins pas dans des circonstances comme celles-ci). Elle vise ensuite le jugement qui prend ou impose « les mesures de gestion relatives au déroulement de l’instance », ce que n’est pas le jugement dont il est ici question. Il est vrai que la décision relative à la modification d’un acte de procédure est prévue par l’art. 158 C.p.c. (et en l’occurrence par le 1er paragr. de celui-ci), mais l’on ne peut pas dire que le jugement en cause soit de la nature d’une décision relative au seul déroulement de l’instance, au sens strict, dans la mesure où, s’il subsiste, il affectera directement et substantiellement le fond du litige, ainsi que le droit des requérants de présenter les divers éléments de leur thèse. Cela dit, s’il fallait appliquer l’art. 32 C.p.c., la permission d’appeler serait également accordée.
Commentaire:

Si la question peut sembler anodine, il n'en est rien selon moi. La barre que place l'article 32 pour obtenir la permission d'en appeler est excessivement haute, de sorte que la définition de ce qu'est un jugement de gestion de l'instance revêt une importance particulière.

Une interprétation indûment large de ce qu'est un jugement de gestion de l'instance aurait selon moi des conséquences qui ne sont pas souhaitables. Je me réjouis donc de l'approche pratique prise par la juge Bich dans cette affaire.

Référence : [2017] ABD 267

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