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Même si l'on peut présumer que des parties qui n'ont pas stipulé de délai pour l'exécution d'une obligation contractuelle entendent laisser ouverte sa date d'exécution, cette présomption n'est pas absolue. En effet, le contexte ou l'intention des parties peut amener à la conclusion que les parties ont implicitement stipulé un délai. La décision récente offerte par l'Honorable juge Charles Ouellet dans l'affaire Baillargeon c. Brochu (2017 QCCS 2867) illustre bien le principe.
Dans cette affaire, le Demandeur réclame le remboursement de prêts qu’il allègue avoir faits au Défendeur, ainsi que d’autres sommes reliées à des investissements qu’il a effectués dans des projets immobiliers et que ce dernier s’est engagé à lui rembourser.
Le Défendeur conteste cette réclamation pour plusieurs motifs, dont le fait que les paiements de 7 000 $ et de 180 000 $ qui sont réclamés sont assujettis à des conditions suspensives qui ne se sont pas réalisées.
Le juge Ouellet se penche sur l'argument du Défendeur quant à l'argument relatif à la condition suspensive. S'il reconnaît que le contrat intervenu ne prévoit pas de date précise pour le remboursement de la somme de 7 000$ et semble en faire dépendre un évènement futur, les circonstances du prêt démontrent plutôt que celui-ci a été fait pour les fins d'une transaction précise qui devait se concrétiser à courte échéance.
Le juge Ouellet en vient donc à la conclusion que les parties avaient implicitement convenu d'un délai pour la conclusion de la transaction en question. Puisque la transaction n'a pas été conclue dans ce délai, il y a lieu selon le juge de conclure que la condition est levée:
[12] Brochu soutient qu’aux termes de la reconnaissance de dettes (pièce P-3) son obligation de rembourser la somme de 7 000 $ à Baillargeon est assujettie à une condition suspensive. Ce document mentionne (transcription littérale, les emphases sont du soussigné) :
« b) Les sommes de 30 000.00 $ et de 7 000.00 $ ci-dessus en 2) et 3) avec les intérêts courus à même les argents revenant à Réal BROCHU et devant provenir de la revente éventuelle du terrain situé à Chicoutimi et qu’il doit acquérir de Guy LARKIN, terrain situé du côté de la pulperie, étant le lot 2691-572. »
[13] Brochu soutient que son obligation de rembourser est encore aujourd’hui suspendue puisque la condition stipulée, la revente du terrain, n’a pas encore eu lieu (article 1497 C.c.Q.). Il plaide qu’il n’est pas impossible qu’il fasse un jour l’achat de ce terrain et le revende ensuite, en conséquence de quoi l’on ne peut conclure qu’il est certain que la condition ne s’accomplira pas (article 1501 C.c.Q.). Il ajoute finalement qu’il n’a pas lui-même empêché la réalisation de la condition (article 1503 C.c.Q.).
[14] Brochu a tort.
[15] L’intention commune des parties lors de la signature du document P-2 (le 24 octobre 2011) et de la reconnaissance de dettes P-3 (le 4 septembre 2012) n’étaient pas que Brochu conserve indéfiniment la somme remise par BailLargeon jusqu’à ce que, peut-être un jour, il achète et revende ensuite le terrain de Chicoutimi. Une telle interprétation voudrait dire que le rendement promis à Baillargeon sur son investissement pourrait être dilué à l’infini en raison de nombre d’années écoulées avant de réaliser le projet. Cela voudrait aussi dire que Brochu pourrait profiter de l’investissement de Baillargeon sans compensation pendant cette période. Une telle interprétation n’est pas compatible avec l’intention commune réelle des parties telle qu’elle peut être dégagée à la lumière des circonstances entourant la conclusion du contrat.
[16] La somme de 10 000 $ a ici été remise par Baillargeon en considération d’une transaction précise, pour laquelle Brochu détenait une promesse de vente et qu’il était en marché de compléter à court terme.
Référence : [2017] ABD 265[17] En d’autres mots, l’investissement par Baillargeon dans l’achat du terrain de Chicoutimi était avant tout conditionnel à ce que cet achat ait lieu dans un délai raisonnable compte tenu des circonstances. Il s’est écoulé plus de 5 ans depuis la remise de l’argent sans que Baillargeron procède à cet achat. La promesse de vente est caduque depuis plus de 4 ans et rien ne permet de penser que Brochu achètera ce terrain même éventuellement. La condition ne s’étant pas réalisée dans le délai implicitement convenu entre les parties, Brochu devra remettre la somme de 7 000 $ à Baillargeon.
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