samedi 22 avril 2017

Par Expert: la discrétion du juge de première instance de mitiger les frais d'expert, même lorsque l'expertise a été utile et pertinente

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà discuté du fait que le remboursement des frais d'experts à titre de dépens ou de frais de justice est tributaire de l'utilité et la pertinence de l'expertise et du témoignage de l'expert. Cela ne veut pas dire cependant que dès que l'expertise et le témoignage de l'expert sont utiles, la totalité des frais d'experts doivent être remboursés. C'est ce que confirmait récemment la Cour d'appel dans l'affaire M.G. c. Pinsonneault (2017 QCCA 607).



Dans cette affaire de responsabilité médicale, l'Appelante soumet - entre autres moyens - que le juge de première instance a eu tort de ne pas lui accorde le plein remboursement de ses frais d'experts.

En effet, elle fait valoir qu'elle a eu gain de cause en première instance et que l'expertise et le témoignage de son expert ont été utiles, de sorte qu'il n'y avait pas de raison pour le juge de ventiler les frais d'expertise.

Une formation unanime de la Cour d'appel composée des Honorables juges Doyon, Savard et Mainville confirme la décision de première instance sur la question des frais d'experts. À ce chapitre, la Cour confirme que le juge de première instance avait la pleine discrétion de réduire les frais d'expertise à être remboursés à l'Appelante:
[317]     En dernier lieu, Mme G... reproche au juge d’avoir amputé de 14 865,86 $ les dépens auxquels elle et M. Q... ont droit au chapitre des frais d’experts, alors qu’il estime les expertises utiles et nécessaires à la compréhension des enjeux du litige. Rappelons que les frais d’experts encourus de leur côté sont de 64 865,86 $ et que le juge les réduit à 50 000 $. 
[318]     L’article 477 C.p.c., alors en vigueur au moment du jugement, confère aux juges une importante discrétion en cette matière. La Cour le rappelait encore tout récemment : 
[59] La discrétion d’un juge de première instance en pareille matière est considérable. Une cour d’appel ne saurait intervenir en l’absence d’une grave erreur dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, menant à une injustice […]. 
[319]     En l’espèce, le juge explique les motifs pour lesquels il mitige les frais d’experts. Il retient que la preuve de Mme G... et M. Q... s’est inutilement allongée et complexifiée du fait de l’expérience américaine de leurs experts et souligne la valeur probante limitée de l’un d’entre eux vu les « trop nombreux reproches » formulés à l’encontre des Drs Pinsonneault et Waddell par le Dr Clement. Il prend également en considération les difficultés et les obstacles financiers rencontrés par Mme G... et M. Q... pour faire valoir leurs droits et le « déséquilibre entre les parties » à cet égard. Prenant en compte l’ensemble de ces circonstances, il réduit les frais d’experts, pour une somme qui correspond d’ailleurs sensiblement aux honoraires de l’expert n’ayant pas véritablement contribué au débat. 
[320]     Il s’agit là d’un exercice judicieux de sa discrétion, conforme à son analyse de la preuve médicale. Contrairement à ce que plaide Mme G..., le juge n’était pas limité dans l’exercice de sa discrétion par le montant des dommages accordés à M. Q.... La détermination des pertes non pécuniaires de ce dernier est une question distincte de celle relative à l’octroi des frais d’experts, chacune de ces questions devant être analysée distinctement, en fonction de leurs propres règles. Là est l’exercice auquel le juge s’est astreint et la Cour n’y voit aucune erreur justifiant réformation.
Référence : [2017] ABD Expert 16

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