mardi 25 avril 2017

Lorsqu'une provision pour frais est demandée pour cause d'abus de procédure, c'est vers l'article 53 al. 2 C.p.c. et non 49 C.p.c. que la Cour doit se tourner

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Les juges de première instance québécois ont le pouvoir inhérent - via l'article 49 C.p.c. - d'ordonner une partie à verser à l'autre une provision pour frais. Mais l'article 49, comme sont ancêtre l'ancien article 46, ne trouve application que lorsque la loi québécoise - et particulièrement le Code de procédure civile - ne prévoit pas de remède particulier. Or, puisque l'article 53 al. 2 C.p.c. prévoit expressément le pouvoir de la Cour d'ordonner une provision pour frais en cas d'abus de procédure, c'est vers cet article que l'on doit se tourner lorsqu'une provision est demandée en raison du comportement procédural supposément abusif de la partie adverse. L'Honorable juge André Prévost confirme cet énoncé dans l'affaire 9139-4429 Québec inc. c. Ville de Rosemère (2017 QCCS 1500).



Dans cette affaire, le juge Prévost est saisi d'une requête de la Demanderesse recherchant le versement d'une provision pour frais de 637 903 $, plus les taxes applicables, en raison de l’abus procédural qu'elle allègue être commis par la Défenderesse dans le dossier. La Demanderesse ajoute qu’elle se retrouve ainsi dans une situation économique telle qu’elle ne peut plus faire valoir sa cause en l’instance.

Avant de passer à l'analyse de la demande qui lui est formulée, le juge Prévost doit d'abord déterminer quel est le cadre d'analyse applicable puisque les critères pour l'attribution d'une provision pour frais sont différents sous l'égide des articles 49 et 53 al. 2 C.p.c.

Puisque c'est sur l'abus de procédure que prend assise la requête de la Demanderesse, le juge Prévost en vient à la conclusion que c'est vers l'article 53 al. 2 que l'on doit se tourner:
[34]  L’attribution d’une provision pour frais découle soit d’une disposition législative qui la prévoit expressément ou, en l’absence d’une telle disposition, du pouvoir implicite de la compétence des tribunaux de statuer sur les dépens. En ce dernier cas, trois conditions doivent être réunies : 
a.   la partie qui sollicite l’ordonnance doit être si dépourvue de ressources qu’elle serait incapable, sans cette ordonnance, de faire entendre sa cause;  
b.   la demande vaut prima facie d’être instruite;  
c.   il doit exister des circonstances suffisamment spéciales pour que le tribunal soit convaincu que la cause appartient à cette catégorie restreinte des causes justifiant l’exercice exceptionnel de ses pouvoirs. 
[35]        Dans le cadre des poursuites d’intérêt public, cette dernière condition est généralement satisfaite lorsque les questions soulevées dépassent le cadre des intérêts du plaideur, revêtent une importance pour le public et n’ont pas encore été tranchées. C’était le cas dans l’arrêt Bande indienne Okanagan
[36] Rappelons qu’en l’instance, les motifs qui soutiennent la demande de provision pour frais se rapportent à l’abus dont la défenderesse, Ville de Rosemère, se serait rendue responsable dans la conduite des procédures. Cette situation est couverte par l’article 53, 2e al. (5o) C.p.c. Par ailleurs, les faits allégués par Québec ne sauraient être qualifiés de circonstances suffisamment spéciales pour justifier l’exercice par le Tribunal de ses pouvoirs implicites ou inhérents. 
[37] L’arrêt Hétu a été rendu avant les modifications de 2009 au Code de procédure civile introduisant les règles spécifiques se rapportant à l’abus de la procédure. L’opinion de la majorité, exprimée par le juge Dalphond, s’appuie sur les pouvoirs généraux des tribunaux que conférait l’article 46 C.p.c., aujourd’hui l’article 49 C.p.c., pour octroyer une provision pour frais : 
49.  Les tribunaux et les juges, tant en première instance qu’en appel, ont tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de leur compétence.  
Ils peuvent, à tout moment et en toutes matières, prononcer, même d’office, des injonctions, des ordonnances de protection ou des ordonnances de sauvegarde des droits des parties, pour le temps et aux conditions qu’ils déterminent. De plus, ils peuvent rendre les ordonnances appropriées pour pourvoir aux cas où la loi n’a pas prévu de solution. 
[38]  De son côté, le juge Pelletier accorde aussi la provision pour frais mais en s’appuyant plutôt sur une disposition du Code municipal du Québec qui, contrairement à l’avis de la majorité, s’appliquait selon lui au cas de M. Hétu. 
[39]   Or, comme le Code de procédure civile contient maintenant une disposition spécifique accordant au tribunal le pouvoir d’ordonner une provision pour frais en cas d’abus de procédure, l’article 49 C.p.c. ainsi que les conditions de son application développées par la jurisprudence doivent être écartés en pareil cas au profit des règles édictées par l’article 53, 2e al. (5°) C.p.c. qui se lit ainsi : [...]
Référence : [2017] ABD 163

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