vendredi 6 janvier 2017

Rappel sur les critères d'application de l'article 1503 C.c.Q. sur la levée de la condition suspensive

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Comme l'indiquait il n'y a pas si longtemps la Cour d'appel, pour conclure qu'une condition suspensive est réputée satisfaite en raison de la faute de la partie co-contractante, il faut que cette faute ait causé l'empêchement de la condition. Nous revenons sur la question aujourd'hui parce que la décision rendue par l'Honorable juge Yves Poirier dans Asia Paper Tech Ltd. c. Paprima Industries inc. (2017 QCCS 252) illustre très bien ce principe.


Dans cette affaire, la Demanderesse - une société spécialisée offrant des conseils visant à optimiser la fabrication de papier par l’industrie papetière et la vente d’équipement - intente un recours en dommages contre la Défenderesse.

Elle allègue que cette dernière a posé des gestes fautifs qui ont empêché l’accomplissement d’une obligation conditionnelle. En effet, elle allègue que la Défenderesse a rendu impossible une vente que la Demanderesse aurait complétée n'eut été desdits gestes.

L'analyse de la trame factuelle pertinente par le juge Poirier l'amène effectivement à conclure que la Défenderesse, par ses agissements fautifs, a empêchée l'accomplissement de la condition suspensive, ce qui entraîne la levée de la condition:
[37]      Mais il y a plus, non seulement on retire le mandat à APT de représenter Paprima en Chine et on lui interdit tout contact avec IPSP, mais on informe IPSP que le REEL-JET S n’est pas l’équipement adéquat. 
[38]      Paprima procède, dès le 4 avril 2011, à une série de tests afin de vérifier si le REEL-JET S a la capacité de remplir sa fonction pour les travaux requis par IPSP.  Les résultats sont soumis au Tribunal dans un rapport (« Rapport »).  M. Eric Smits de Paprima estime que dès mars 2011, il est évident que l’équipement REEL- JET S ne peut pas être vendu puisqu’il ne remplit pas les fonctions prévues par IPSP.  Vendre cet équipement entacherait la réputation de Paprima, selon M. Smits. 
[39]      Dès mars 2011, Paprima se lance dans la mise au point d’un nouvel équipement, lequel est offert à IPSP en juillet 2011 sous le nom de REEL-JET S3.   Toute cette démarche de test, de Rapport, de mise au point et de vente du nouvel équipement REEL-JET S3 est cachée à APT. 
[40]      Le Tribunal estime que Paprima ne peut pas s’appuyer sur la fin du contrat de représentation avec APT en février 2011 pour l’empêcher d’avoir des contacts avec IPSP.  Paprima se devait de laisser le champ libre à APT afin qu’elle réalise sa vente de l’équipement REEL-JET S.  Les agissements de Paprima auprès de IPSP sont la cause du bris du lien de confiance entre APT et IPSP.  Les interventions de M. Qing Li et M. Wolfgans Kovalewsky auprès du représentant de IPSP sont inappropriées.  Paprima ne peut pas les justifier sous le couvert de la fin du contrat de représentation. 
[41]      Le comportement de bonne foi de Paprima nécessite qu’elle apporte assistance à APT afin de compléter sa vente du REEL-JET S auprès de IPSP.  Tout d’abord en l’autorisant de contacter ce client et ensuite Paprima se devait de ne pas nuire à la vente.  L’obligation de « bonne foi » existe lors de l’interprétation, de l’exécution du contrat et sa formation: 
« [61]   Les auteurs Pineault, Burman et Gaudet reconnaissent aux parties l'obligation de coopération destinée à faciliter l'exécution de l'obligation et se traduisant par une collaboration créancier-débiteur destinée à créer un climat de confiance.  Ils situent ici l'obligation d'information ou de renseignement qui fait partie de l'obligation de «bonne foi» qui doit exister non seulement lors de l'interprétation et de l'exécution du contrat, mais lors de sa formation.  Cette obligation devient, pour Baudouin et Jobin aussi, une « obligation de renseignement. » 
[42]      Paprima tente d’expliquer son comportement par la découverte que l’équipement REEL-JET S ne peut pas exécuter le travail requis par IPSP. 
[43]      Cette affirmation est totalement démentie par M. Bright qui, après avoir examiné le Rapport, conclut que le REEL-JET S est en mesure de rendre les services requis par IPSP.  Personne chez Paprima n’est venu contredire l’analyse de ce Rapport et les commentaires de M. Bright.  M. Eric Smits s’étant contenté dans son témoignage principal de déposer le Rapport et de mentionner que c’est sur cette base que Paprima a écarté l’utilisation du REEL-JET S et débuté la mise au point le nouveau REEL-JET S3. 
[44]      La preuve que l’équipement REEL-JET S est non appropriée pour le client IPSP n’a pas été établie.  Tout au contraire, le représentant de l’époque de la société IPSP, M. Bright, soutient que l’équipement proposé par APT est adéquat et l’examen du Rapport ne l’aurait pas dissuadé. 
[45]      Le Tribunal conclut donc qu’il y a faute de Paprima à titre de débiteur de l’obligation de la vente du REEL-JET S à APT considérant qu’elle a posé des gestes afin que la revente entre APT et IPSP ne puisse se conclure en rendant impossible la condition d’achat par APT dans le délai imparti.  Paprima ne peut pas invoquer le défaut de APT de ne pas avoir procédé à l’achat de l’équipement REEL-JET S avant le 31 mai 2011.  La présomption prévue à l’article 1503 C.c.Q. s’applique et la transaction est présumée réalisée à cette date.
Référence : [2017] ABD 9

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