jeudi 12 janvier 2017

La jonction de recours est appropriée lorsque deux recours ont trait à la même succession, même si les parties ne sont pas techniquement identiques

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

En matière de jonction d'actions, le mot d'ordre est la flexibilité et ce particulièrement depuis l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile. Cette réalité est évidente dans le jugement récent rendu par l'Honorable juge Guylène Beaugé dans l'affaire Halberstadt c. Beaudoin (2017 QCCS 32). Dans celle-ci, elle ordonne la jonction de deux recours bien que les parties aux deux ne sont pas techniquement les mêmes.



Dans cette affaire, la juge Beaugé est saisie d'une demande de jonction d'actions. Elle décrit les deux recours en question comme suit:
[1]       Le 18 août 2015, Leo Halberstadt institue dans le district de Montréal un recours en reddition de compte contre Christian Beaudoin relativement à l’administration des biens de sa mère, feu Gaby Frei, décédée à Montréal le 16 septembre 2014. 
[2]           Le 18 décembre 2015, M. Beaudoin, ès qualités de liquidateur à la succession de Mme Frei, et époux d’Anita Halberstadt, fille de cette dernière et héritière majoritaire, entreprend son propre recours dans le district de Terrebonne. Il s’agit d’une demande introductive d’instance en déclaration de régime matrimonial, reddition de compte, partage du patrimoine familial et partage et liquidation du régime matrimonial. Les défendeurs sont Bruno Halberstadt, époux de Mme Frei, et son fils Leo Halberstadt.
Le Défendeur s'objecte à la jonction principalement au motif que ce ne sont pas les mêmes parties au deux dossiers et que la jonction aurait pour effet de retarder leur déroulement.

Après analyse, la juge Beaugé en vient à la conclusion que la jonction est justifiée. À cet égard, elle insiste sur l'essence de la jonction d'actions à titre de mesure de gestion de l'instance et sur l'importance de passer outre les technicalités:  
[6]           Malgré ces suggestions provenant de deux juges, M. Beaudoin s’oppose à la jonction des recours. Il argue qu’ils n’impliquent pas les mêmes parties, que cela occasionnera un retard dans le déroulement de l’instance dans le dossier de Terrebonne, que la contestation de part et d’autre ne reposera pas sur la même preuve, et que les conclusions recherchées diffèrent et ne présentent aucune connexité. 
[7]           Ces arguments sont mal fondés. L’article 210 C.p.c. stipule que le Tribunal peut, même lorsque les demandes ne résultent pas de la même source ou d’une source connexe, ordonner la jonction de plusieurs instances entre les mêmes parties, portées devant le même tribunal, pourvu qu’il n’en résulte pas un retard indu pour l’une d’elles ou un préjudice grave à un tiers. 
[8]           Les deux recours concernent une seule et même succession, celle de Mme Frei, et mettent en cause les mêmes personnes. Que l’une ou l’autre partie soit demanderesse, défenderesse ou mise en cause dans l’une ou l’autre instance ne change rien à l’essence du litige qui oppose M. Beaudoin et son épouse Anita Halberstadt à messieurs Halberstadt, père et fils. Toute proposition contraire relève soit de l’obstruction, soit d’une tactique qui n’a plus sa place depuis la réforme du Code de procédure civile
[9]           De surcroît, M. Beaudoin a inscrit le dossier de Terrebonne prématurément. En effet, une demande de communication de documents dûment notifiée par Bruno Halberstadt y est pendante, son audition n’ayant été retardée qu’en raison de la demande de déclaration d’inhabileté de son avocat. Ainsi, les deux instances cheminent au même rythme. 
[10]        Ajoutons que l’article 158 C.p.c. autorise le Tribunal, à tout moment de l’instance, à ordonner des mesures de gestion, d’office ou sur demande, y compris la jonction, de façon à simplifier ou accélérer la procédure et abréger l’instruction. C’est le cas en l’espèce. 
[11]        Dans l’arrêt Hryniak c. Mauldin, la Cour suprême énonce : 
Les graves problèmes d’accessibilité auxquels sont confrontés les systèmes de justice civile canadiens mettent en péril la primauté du droit dans les rapports privés. Un virage culturel s’impose. Ce virage culturel oblige les juges à gérer activement le processus judiciaire.  
[12]        Puis, dans l’arrêt Lavigne c. 6040933 Canada inc., la Cour d’appel rappelle que le « nouveau » Code de procédure civile impose une application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et de l’exercice des droits des parties. 
[13]        Cela signifie aussi qu’il y a lieu de ne pas engorger les tribunaux avec la multiplication d’instances dont les fondements se chevauchent. Faut-il rappeler que les ressources judiciaires ne permettent pas ces excès. 
[14]        Pour ces motifs, la demande de jonction des instances est bien fondée.
Référence : [2017] ABD 18

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