lundi 9 janvier 2017

Il n'existe pas de forme solennelle pour conclure à l'existence d'une transaction

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Contrairement à la croyance populaire, la transaction qui met fin à un litige n'a pas à être écrite. Bien que cela complique certes la preuve de l'existence de la transaction, celle-ci peut définitivement être verbale. C'est ce que souligne l'Honorable juge Michel A. Pinsonnault dans l'affaire Gestion Guy Belleville inc. c. Gestion Robert Belleville inc. (2017 QCCS 26) où il passe en revue les principes juridiques applicables.




Dans cette affaire, le juge Pinsonnault est saisi de la requête des Demandeurs qui recherchent l'homologation d'une transaction qu'ils allèguent est intervenue le 19 janvier 2016 avec la Défenderesse. Selon eux, cette transaction réglait le différend entre les parties en procédant à une vente privée aux enchères de leurs actions respectives.

La Défenderesse nie l’existence de cette transaction et s’objecte catégoriquement à son homologation

C'est dans ce contexte que le juge Pinsonnault est appelé à faire la revue des principes juridiques applicables. Or, après avoir fait l'énoncé des éléments nécessaires à la conclusion d'une transaction, il souligne qu'aucune forme solennelle ou particulière n'est nécessaire pour consigner une transaction:
[192]     Pour constituer une transaction, une entente doit nécessairement comporter les trois éléments suivants : 
-      elle doit avoir comme objectif de mettre fin à un procès ou d’éviter un litige entre les parties;  
-      les parties doivent accorder des concessions ou des réserves réciproques; et  
-      les parties doivent arriver à un consensus sur les éléments qu’elles considèrent comme étant essentiels dans le cadre de la transaction.  
[193]     Dans l’affaire Vachon, le juge Daniel Dumais a précisé, entre autres, qu’une transaction peut être verbale et que ne pouvant être invoquée partiellement, elle est indivisible:   
« [29] Aucune forme particulière n'est requise pour conclure à l'existence d'une transaction. Celle-ci peut donc être verbale et résulter de négociations entre les parties ou leur procureur, sans nécessité d'une confirmation écrite. Comme c'est généralement le cas, les écrits facilitent la preuve d'une transaction, dont le fardeau incombe à celui qui l'allègue.  
[30] Comme la transaction est dite indivisible, elle ne peut être invoquée que partiellement. Elle doit donc être reconnue et appliquée dans sa totalité. 
[31] Lorsqu'un litige survient relativement à une transaction, il y a lieu d'en demander l'homologation à la Cour, ce qui implique de décider d'abord de son existence ou non. Il arrive parfois qu'une partie soutienne que son mandataire a agi sans autorisation, ce qui peut entraîner une demande en désaveu. » 
[Soulignements ajoutés] 
[194]     Quant à la présence d’un consensus entre les parties, le juge Dumais précise ce qui suit en faisant une distinction entre l’entente elle-même et sa mise en application : 
« [34] À ce niveau, le Tribunal rappelle qu'il faut distinguer l'entente elle-même de sa mise en application, laquelle implique souvent la rédaction d'un document final signé par les parties.  
[35] Dans la décision Morin c. Villeneuve, M. le juge Fraiberg écrivait à ce sujet:  
« On ne doit pas confondre, d'ailleurs, le contrat et sa réalisation. La mise en application d'une transaction nécessite souvent l'exécution d'autres ententes ou actes juridiques. Cela n'empêche pas que le contrat lie toujours les parties, de sorte que l'une ou l'autre puisse exiger l'exécution en nature des obligations prévues. Voilà en effet l'objectif de l'homologation: rendre exécutoires ses obligations advenant le refus de l'une ou l'autre des parties de donner suite à la transaction valablement conclue. »   
[Soulignements et caractère gras ajoutés]  
[195]     Le contrat se forme par l’acceptation de l’offre contenant ses éléments essentiels. Il n’est pas nécessaire que les éléments secondaires soient expressément convenus au même moment.  
[196]     Voici comment les auteurs Baudouin et Jobin ont traité cette question particulière : 
« [176] – Conditions – L’offre se distingue de la simple invitation à contracter ou à entrer en pourparlers dans le but éventuel de conclure un engagement. Il est parfois difficile de distinguer ces deux notions et il faut alors examiner la situation de fait, en regard des caractères spécifiques à l’offre. Une prétendue offre qui ne répond pas à toutes ses conditions de validité est réduite au statut d’invitation à contracter, qui ne produit pas d’effet juridique.  
L’offre, tout d’abord, doit être sérieuse, ferme et précise. L’offre faite pour plaisanter, pour explorer le terrain d’une entente éventuelle ou qui est trop imprécise n’est pas la manifestation d’une volonté claire de conclure un contrat. L’offre, ensuite, doit contenir tous les éléments essentiels du contrat projeté pour permettre l’adhésion de l’acceptant. Si la proposition oblige la personne à qui elle est faite à une négociation, à une demande de renseignements ou de précisions sur ces éléments, elle ne constitue pas alors une offre véritable, mais une simple invitation; ainsi, offrir de vendre un immeuble, mais sans en préciser le prix, de louer un local sans indication du terme du bail et du prix du loyer. Si, dans ces hypothèses, l’acceptant propose un prix, c’est lui qui fait alors une offre véritable, si tant est que les autres conditions essentielles soient réunies.  
Par contre, il n’est pas indispensable que l’offre porte sur toutes les dispositions accessoires (transfert des assurances, par exemple). Les parties peuvent, en effet, atteindre un accord de principe par l’acceptation des éléments essentiels et réserver à plus tard leur accord sur les éléments secondaires. L’application de cette règle soulève la difficulté de qualifier tel ou tel élément d’essentiel ou de secondaire. Si l’offrant ne s’est pas exprimé sur ce point, un test objectif devrait normalement être utilisé pour cette qualification, comme pour l’erreur. Les règles supplétives du Code civil (par exemple sur la délivrance) et parfois l’usage (article 1434 du Code civil) permettent de dénouer certaines impasses. Lorsque l’offre originale est suivie d’une contre-proposition, pour déterminer le moment où l’accord de volonté s’est réalisé, on se reporte à la dernière des propositions qui contenait les éléments essentiels du contrat projeté et qui a été acceptée (article 1389). »  
[Soulignements ajoutés]
Référence : [2017] ABD 11

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