dimanche 15 janvier 2017

Dimanches rétro: le fardeau de la preuve en matière de mitigation des dommages

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons déjà discuté du fait que c'est sur la partie qui allègue un défaut de mitigation des dommages que pèse le fardeau de la preuve. L'Honorable juge Paul-Arthur Gendreau - au nom d'une formation unanime de la Cour d'appel - posait déjà le principe dans l'affaire Logiciels suivitel inc. c. Coupal (1995 CanLII 5167). C'est pourquoi nous en traitons dans cette édition des Dimanches rétro.


Dans cette affaire, l'Appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement de première instance qui l'a condamné à payer la somme de 99 904,77$ à son ex-employé suite au congédiement de celui-ci. 

L'Appelante s'attaque principalement à la conclusion du juge de première instance que l'Intimé a satisfait à son obligation de mitiger ses dommages. Elle plaide que les démarches de l'Intimé pour se retrouver un nouvel emploi n'étaient pas suffisantes dans les circonstances.

Après analyse, le juge Gendreau rejette l'argument mis de l'avant par l'Appelante. Il souligne à cet égard que c'est elle qui avait le fardeau de démontrer l'absence de mitigation suffisante;

L'obligation du créancier de minimiser sa perte trouve son fondement dans la règle que le débiteur n'est tenu qu'aux seuls dommages directs et immédiats (art. 1075 C.c.B.C; Vocisano c. Concrete Column Clamps Ltd. [1959] B.R. 230, en particulier l'opinion de M. le juge Bissonnette; Boutin c. Paré [1959] B.R. 459) bien que certains la relient au lien de causalité (A. Michaud, Mitigation of damage in the context of remedies for breach of contract, (1989) 15 R.G.D. 293). En pratique, cela signifie que le demandeur ne sera pas admis à réclamer de son débiteur la partie des dommages «qu'il aurait raisonnablement pu éviter en se comportant avec diligence et bonne foi» (J.-L. Baudouin, Les obligations, 4e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1993, p. 439, no 782. C'est dans l'arrêt Standard Radio Inc. c. Doudeau 1994 CanLII 5840 (QC CA), [1994] R.J.Q. 1782 (C.A.), que la Cour a défini le contenu de cette obligation de moyen lorsque le recours est fondé sur un contrat de travail, dans ce cas à durée indéterminée. M. le juge Baudouin exprime l'avis qu'elle comporte deux volets: d'abord celui «de faire un effort raisonnable pour se retrouver un emploi dans le même domaine ou un domaine connexe et le second (...) de ne pas refuser d'offres d'emploi qui, dans les circonstances, sont raisonnables». «Ces principes», ajoute mon collègue, «doivent naturellement être évalués en fonction des éléments pertinents à chaque espèce». 
[...]

En somme, l'intimé a établi, à la satisfaction du juge, qu'il avait recherché un nouvel emploi et s'était donc acquitté de son obligation de minimisation des dommages. Si l'appelante voulait convaincre qu'il fallait davantage parce que les démarches de l'intimé étaient insuffisantes, que des emplois étaient disponibles ou pour tout autre motif, il lui appartenait de le démontrer, ce qu'elle n'a manifestement pas fait. La simple addition du temps consacré par l'intimé à la recherche d'un travail sans autre qualification ou sans la démonstration d'un quelconque élément de comparaison ou sans que ne soient établis des facteurs permettant d'inférer qu'un autre résultat aurait pu être obtenu si l'on avait agi autrement, ne reste ici qu'un exercice stérile; le juge ne pouvait donc, avec raison, en faire découler la conclusion de la violation de l'obligation de la minimisation des dommages et décider arbitrairement que Coupal aurait pu trouver un emploi six, huit ou quinze mois après son renvoi.


Référence : [2017] ABD Rétro 3

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