samedi 24 décembre 2016

Par Expert: L’article 241 du Code de procédure civile n’a pas pour but de permettre aux parties, à l’avance, de remettre en cause la pertinence d’une preuve qui paraît en fait et en droit s’inscrire dans la logique de la procédure engagée

par Karim Renno
Renno Vathilakis Inc.

Nous avons très souvent discuté de la prudence dont doivent faire preuve les tribunaux québécois avant de rejeter une expertise au stade préliminaire. Nous avons également souligné à plusieurs reprises que la pertinence et la force probante d'une expertise sont des questions pour le juge du procès. Or, depuis le 1er janvier 2016, le nouvel article 241 C.p.c. indique que la Cour peut rejeter - avant l'instruction - le rapport pour cause d’irrégularité, d’erreur grave ou de partialité. Est-ce dire que l'on peut demander le rejet préliminaire du rapport que l'on considère non pertinent? Par selon la décision rendue par l'Honorable juge Alicia Soldevila dans Dion c. Dion (2016 QCCS 6211).



Dans cette affaire, les Défendeurs demandent le rejet préliminaire de l'expertise du Demandeur en se basant sur l'article 241 C.p.c. Ils font valoir que le Demandeur a intenté un recours en oppression et que la convention d'actionnaires en vigueur au sein de la compagnie prévoit une méthode d'évaluation bien précise pour les actions.

Or, le Défendeurs font valoir que l'expertise du Demandeur utilise une méthode différente, de sorte qu'elle ne serait pas pertinente ou utile. Qui plus est, ils font valoir que l'expert a commis plusieurs erreurs dans sa méthodologie.

Après analyse, la juge Soldevila rejette la requête des Défendeurs. Elle souligne qu'il demeure le rôle du juge du procès de juger de la pertinence et l'utilité du rapport. Elle ajoute que le nouvel article 241 n'a pas pour objectif de permettre un débat préliminaire sur la pertinence d'une expertise: 
[20] La position des défendeurs est-elle fondée et les reproches formulés sont-ils suffisamment graves pour obtenir le retrait des rapports d’experts du dossier de la Cour à cette étape de l’affaire? 
[21] Le Tribunal estime que non. 
[22] La démonstration des défendeurs sur les apparents problèmes des rapports relève davantage du contre-interrogatoire ou de la mise en contradiction des experts avec des données factuelles ou juridiques que seul le juge du fond pourra apprécier. 
[23] D’une part, les reproches formulés ne tiennent pas lorsque les rapports sont lus dans leur entier et resitués l’un par rapport à l’autre dans le contexte de l’affaire dont les faits litigieux sont encore à clarifier. 
[24] Le juge du fond pourra ou non appliquer à la lettre les dispositions de l’article 13 de la Convention d’actionnaires et déterminer, selon ce qu’il retiendra de la preuve, comment établir la juste valeur marchande des actions. Ainsi, il pourra écarter l’entièreté des rapports d’expertise s’il estime que ceux-ci en regard de la convention d’actionnaires doivent être exclus ou, au contraire, les retenir en totalité ou en partie. 
[25] L’article 241 du Code de procédure civile n’a pas pour but de permettre aux parties, à l’avance, de remettre en cause la pertinence d’une preuve qui paraît en fait et en droit s’inscrire dans la logique de la procédure engagée. Cet exercice appartient au juge du fond qui appréciera l’utilité, la pertinence et la force probante du contenu des rapports d’expertise en lien avec les conclusions recherchées, s’il juge indiqué de les considérer.
Référence : [2016] ABD Expert 52

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